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SOUVENIRS FERROVIAIRES AU CIMETIÈRE DE MONTMARTRE

MAXIME DU CAMP (1822–1894)

L'ILLUSTRATION JOURNAL UNIVERSEL DU SAMEDI 1er NOVEMBRE 1845 - QUELQUES TYPES DE SPÉCULATEURS DES CHEMINS DE FER PAR M. EUSTACHE LORSAY
L'ILLUSTRATION JOURNAL UNIVERSEL DU SAMEDI 1er NOVEMBRE 1845

LES CHANTS MODERNES

LA LOCOMOTIVE
(Août 1854)

Voici le soir de la journée !
Puisque j'ai fini ma tournée
Et que ma tâche est terminée,
Je vais aller jusqu'à demain
Dans ma large remise en fonte,
Reposer, moi que rien ne dompte,
Mes grands membres de mastodonte,
Mes membres de fer et d'airain.

J'ai bien couru depuis l'aurore,
J'ai galopé jusqu'à la nuit ;
De mes rudes flancs, chauds encore
De tout le feu que je dévore,
J'entends la vapeur qui s'enfuit
Et qui s'éparpille à grand bruit.

Ou bien, par l'air frais condensée,
Et sur la brise balancée,
Comme une rosée empressée
Qu'elle aille emperler le gazon.

Je voudrais m'en aller comme elle
Et prendre ma course sans fin ;
À tout repos je suis rebelle ;
Je demande que l'on m'attèle
À mes wagons ! Quand donc, enfin,
Me lancerai-je en mon chemin ?

Lorsque je cours, rien ne m'arrête,
Que ce soit calme ou bien tempête,
Que le ciel crève sur ma tête
Ou bien qu'il soit tranquille et bleu ;

Je vais toujours, rien ne m'étonne,
Qu'il pleuve, qu'il grêle ou qu'il tonne,
Je fais, dans mon corps qui bouillonne,
Plus de bruit que le ciel en feu !

J'éclate plus que les tonnerres,
Et je pousse par mes naseaux
Plus de flammes que les cratères !
Lorsque je suis dans mes colèges,
Arbres, maisons, hommes, monceaux,
Je brise tout comme roseaux !

Quand je passe dans une plaine
Auprès de ces bêtes à laine
Et de ces chevaux sans haleine,
Je ris en voyant leur jarret !

Il n'est rien que je ne dépasse ;
Je défie à suivre ma trace
Et les meilleurs chevaux de race
Et l'Alborak de Mahomet !

Pauvres animaux sans courage,
Accomplissez votre devoir ;
Pour un rien mettez-vous en nage,
Broutez, broutez votre fourrage !
Moi, je mange du charbon noir,
Et je cours du matin au soir !

J'enjambe coteaux et vallées ;
Mes chemins ? Ce sont des allées
Qu'avec du fer on a dallées ;
On éventre pour moi les monts ;
On a jeté sur les rivières
De gigantesques ponts de pierres
Où nous passons vives et fières,
et qui sont franchis en trois bonds !

Tout poids n'est qu'un enfantillage
Que j'emporte toujors courant :
Mon souffle courbe le feuillage ;
Derrière moi, comme un sillage,
Je laisse un sentier fulgurant,
Et je mugis en respirant !

Voyez ces chevaux aux coeurs fades,
Qui bien vite tombent malades
Pour de minces estafilades,
Et qui se trouvent tout transis
S'ils n'ont des docteurs débonnaires
Qui leur donnent des vulnéraires !
Moi, moi ! J'ai pour vétérinaires
Des forgerons aux bras noircis !

Quand dans mes flancs j'ai des entailles
Et que je rentre tristement
Comme revenant des batailles,
Avec de grands trous aux entrailles,
À coups de marteau, lestement,
On me fait un bon pansement !

Pas d'effroi que l'on ne ressente
En me voyant aussi puissante ;
Pourtant, je suis obéissante ;
Devant l'homme mon coeur s'émeut ;

De mes vigueurs il est le maître,
Sur mon dos il n'a qu'à paraître,
Et, comme un dévôt à son prêtre,
J'obéis à tout ce qu'il veut.

Je suis le corps dont il est l'âme ;
J'ai beau faire tous mes fracas
Et j'ai beau vomir de la flamme,
Je suis faible comme une femme
Quand il me touche de son bras,
Et je suis humblement ses pas !

Car je suis l'instrument qu'il aime,
Car je suis sa force suprême ;
Tant pis pour le poltron tout blême
Qui me croit un épouvantail !

Sainte, un jour, je serai nommée ;
Ma puante et sombre fumée
Vaut plus que la brise embaumée,
Car c'est le parfum du travail !

Le parfum qui près de Dieu monte
Et qui lui dit : « Je viens à toi !
L'homme veut que je te raconte
Que de ton amour il tient compte,
Qu'il cherche à vivre dans ta loi,
Et qu'il travaill et qu'il a foi !

L'homme sait bien, Ô notre père,
Que tout ce qui pense, aime, espère,
Vivra dans l'avenir prospère,
Près de toi qui souffres en nous !
Tu portes avec nous la tâche ;
Il vaut mieux, pour qui n'est pas lâche,
Travailler toujours sans relâche,
Que de te prier à genoux !

Car le travail vaut la prière ;
Tout oeuvre te prie, Ô Seigneur !
L'outil est un bon bréviaire ;
C'est le meilleur auxiliaire
Pour t'approcher ; et la vapeur
Est l'encens qui plaît à ton coeur ! »

Ainsi parlent mes flots agiles !
Pourtant, de pauvres imbéciles,
Tremblants dans leurs peaux inutiles,
Ont découvert, un beau matin,
Que c'était l'esprit des ténèbres
Qui, pour quelques oeuvres funèbres,
Avait agencé mes vert èbres
Et soufflé la vie en mon sein !

Non ! Non ! Je suis la délivrance ;
Je porte les rédemptions !
Mes flancs sont remplis d'espérance,
C'est moi qui tuerai la souffrance
Parmi les générations,
Et j'unirai les nations !

Je démolirai les barrières
Qu'on élève sur les frontières,
Et je comblerai les ornières
Où chaque peuple dort encore ;
Les progrès me servent d'escortes,
Et quand je veux ouvrir les portes
Les plus solides, les plus fortes,
Mieux qu'un Dieu je fais pleuvoir l'or !

De moi jaillira l'étincelle
Qui doit éclairer l'avenir ;
Il faut que de mes flancs ruissèle,
Comme un fleuve que rien ne cèle,
La paix que chacun doit bénir,
La paix qui ne doit plus finir !

Dans son pays nul n'est prophète ;
Je le sais, aussi je m'apprête
À ne voir célébrer ma fête
Que dans longtemps, dans bien longtemps !
Car, hélas ! Vos âmes têtues
Par tout progrès sont abattues !
— Vous me dresseriez des statues,
Si j'avais quatre ou cinq mille ans !

 
 
TOMBE DE MAXIME DU CAMP
TOMBE DE MAXIME DU CAMP
 
Du Camp Louvre RF938
BUSTE DE MAXIME DU CAMP PAR JAMES PRADIER (1790-1852)
SOURCE : commons.wikimedia.org
L'ILLUSTRATION JOURNAL UNIVERSEL DU SAMEDI 20 SEPTEMBRE 1845 QUELQUES ÉPISODES DE L'ÉPOPÉE DES CHEMINS DE FER CARICATURE DE CHAM
QUELQUES ÉPISODES DE L'ÉPOPÉE DES CHEMINS DE FER CARICATURE DE CHAM
L'ILLUSTRATION JOURNAL UNIVERSEL DU SAMEDI 13 SEPTEMBRE 1845

LES CHEMINS DE FER À PARIS

LA GARE DE L'OUEST (RIVE DROITE) EN 1868

L'invention devait avoir d'incalculables conséquences ; mais le plus difficile restait à faire : il fallait qu'elle sorte du domaine de la science industrielle et entrât dans nos mœurs. La France y fut réfractaire à un point qu'il serait bien difficile de comprendre, si nous ne savions que l'esprit de routine semble être l'âme même d'une nation dont l'entêtement seul égale la mobilité. Une ordonnance du 26 février 1823 avait autorisé la création d'un chemin de fer entre Saint-Étienne et Andrézieux ; inauguré cinq ans après, le 1er octobre 1828, il ne servait guère qu'au transport des marchandises. Ce fut ce bassin houiller qui donna l'exemple au reste du pays : les voies ferrées y furent promptement adoptées et offertes aux besoins de l'industrie ; les lignes très courtes, locales, égoïstes, si l'on peut dire, s'ouvrent successivement de Rive-de-Giers à Givors (1830), de Givors à Lyon (1832), de Rive-de-Giers à Saint-Étienne (1833), d'Andrézieux à Roanne (1834). Une gondole traînée par trois chevaux était mise à la disposition des voyageurs. Cependant quelques députés qu'on traitait volontiers d'imprudens et de téméraires demandaient que la France ne se refusât pas plus longtemps à un progrès qui tendait à devenir universel, et qu'elle ne laissât pas l'Angleterre nous devancer trop rapidement dans cette admirable et nouvelle voie ouverte à l'activité humaine. Efforts inutiles ! c'est à peine si on les écoutait, et ce fut pas sans grande difficulté qu'on arracha aux représentans du pays légal, ainsi qu'on disait alors, le vote de la loi du 27 juin 1833, qui accordait un crédit de 500,000 francs pour études et exécutions de chemins de fer : c'était dérisoire ou peu s'en faut. Une mauvaise volonté latente et perpétuelle semblait déjouer les intentions les meilleures. Dans la séance du 7 mai 1834, M. Larabit réclama l'établissement immédiat des lignes de chemins de fer dont la France avait besoin. Ce qui prouve combien la question était loin d'être mûre et sur quelles illusions on vivait, c'est que l'orateur estimait qu'une somme de 400 millions serait suffisante pour mettre Paris en rapport avec ses frontières à l'aide de voies ferrées. Ce fut M. Auguis qui lui répondit, et, après avoir affirmé que la dépense totale dépasserait même 800 millions, il se servit, pour faire repousser la motion de M. Larabit, de l'étrange argument que voici : « l'intérêt le plus élevé dans les chemins de fer ne va pas au-delà de 9 pour 100, tandis que l'intérêt dans les canaux va de 30, 32 à 50, 52, 70 et 72 pour 100, » et il termina en disant avec l'approbation de la chambre : « Ne nous engageons pas facilement dans la construction des chemins de fer ! ». Précisément à la même époque, dans un meeting à Tamworth, Robert Peel, chef du ministère anglais, s'écriait : « Hâtons-nous de construire des chemins de fer ; il est indispensable d'établir d'un bout à l'autre de ce royaume des communications à la vapeur, si la Grande-Bretagne veut maintenir dans le monde son rang et sa supériorité. »  Pendant qu'en Angleterre les chefs du cabinet stimulaient l'émulation de leurs compatriotes, nos ministres et nos députés raillaient les efforts des nôtres. Dans cette même année 1834, un homme d'état français, après avoir été visité le rail-way de Liverpool, déclarait tenir en médiocre estime le nouveau mode de transport. « Il faut voir la réalité, disait-il, car, même en supposant beaucoup de succès aux chemins de fer, le développement ne serait pas ce que l'on avait supposé. Si on venait m'assurer qu'en France on fera 5 lieues de voie ferrée par année, je me tiendrai pour fort heureux ! »  Le résultat d'un pareil aveuglement est facile à constater : en 1836, l'Angleterre avait 3,046 kilomètres de chemins de fer en exploitation, la France en avait 142.

Cependant on ne pouvait rester absolument sourd aux appels de l'opinion publique ; mais au lieu de prendre une détermination sérieuse, on préféra s'arrêter à un moyen terme peu digne d'une grande nation, et une loi votée le 9 juillet 1835 autorisa la construction d'un chemin de fer entre Paris et Saint-Germain. Selon l'expression d'un ingénieur, ce n'était qu'un joujou ; mais ce joujou apprit aux Parisiens d'abord, aux Français ensuite, quels services innombrables un chemin de fer pouvait leur rendre. Ce fut donc là en réalité le germe expérimental d'où notre grand réseau ferré devait sortir. Une ordonnance du 24 août 1837 nomma auprès du chemin de Paris à Saint-Germain des commissaires spéciaux de surveillance, et l'inauguration du premier rail-way que posséda Paris eut lieu officiellement le 26 août de la même année. La musique de la garde nationale joua des fanfares pendant le trajet, qui dura vingt-cinq minutes ; On fit des discours, personne ne s'enrhuma sous les tunnels, la locomotive n'éclata point, les wagons ne déraillèrent pas, et l'on put croire qu'un voyage en chemin de fer n'était pas nécessairement mortel. Les journaux, les ingénieurs, les industriels, invoquant de plus belle l'exemple de l'Angleterre recommencèrent à demander que la France fît enfin construire des voies ferrées. Le gouvernement prit cette fois l’initiative, et en son nom M. Martin (du Nord) déposa le 15 février 1838 un projet de loi autorisant la création de sept lignes principales partant de Paris et aboutissant : 1° à la frontière de Belgique, 2° au Havre, 3° à Nantes, 4° à la frontière d’Espagne par Bayonne, 5° à Toulouse par la région centrale du pays, 6° à Marseille par Lyon, 7° à Strasbourg par Nancy. De plus on devait établir deux lignes supplémentaires : l’une aurait relié Marseille à Bordeaux par Toulouse, l’autre aurait rejoint Marseille et Bâle par Lyon et Besançon. Le  projet était libéral et vraiment grandiose. Le 24 avril, Arago lut son rapport, qui se ressent singulièrement des indécisions du moment : il combat l’établissement simultané de toutes les lignes, disant avec raison qu’il faut, par des  constructions successives, profiter de toutes les améliorations, qu’il  est plus facile de prévoir que d’indiquer, et apprendre par l’exemple des fautes commises à éviter les fautes à commettre. Tant d’intérêts locaux étaient en jeu, tant de compétitions se faisaient jour, tant d’appétits mauvais étaient éveillés, que la chambre des députés n’osa prendre parti, et que l’ensemble de la loi fut rejeté le 10 mai par 196 voix contre 69. On retomba dans le système des concessions partielles, on accorda des têtes de lignes plutôt que des lignes entières ; on ne savait vraiment que faire au milieu de tous les tiraillemens des rivalités diverses, on semblait ne pouvoir se résoudre ni à l’action ni à l’inaction, et, comme toujours en pareil cas,  les demi-mesures que l’on adoptait  ne satisfaisaient personne.

Une loi du 7 juillet 1838, une autre du 15 juillet 1840, avaient accordé la concession de Paris à Orléans et de Paris à Rouen ; mais cela ne suffisait guère aux justes exigences qui se manifestaient avec d’autant plus d’intensité qu’elles se heurtaient sans cesse à une résistance passive. Le gouvernement se décida enfin à reprendre l’application des idées que la chambre  avait repoussées en 1838, et le 7 février 1842 un nouveau projet de loi fut présenté par M. Teste. M. Dufaure, nommé rapporteur, qualifia sévèrement dans la séance du 16 avril l’état languissant où la France se traînait en matière de chemins de fer, et « l’œuvre incomplète et incohérente commencée dans les dernières années. » Le réseau était décidé en principe ; mais, pour l’exécuter, on se trouvait en présence de deux systèmes qui avaient chacun de bons et mauvais côtés. L’un, s’inspirant de l’exemple de l’Angleterre, voulait confier à l’industrie privée le soin de construire toutes les lignes projetées ; l’autre, à l’imitation de la Belgique, voulait le réserver exclusivement à l’état. Pendant quinze jours, on parla pour et contre, on mêla dans d’égales proportions les deux systèmes en présence, et le 12 mai la loi fut votée à la  majorité de 225 voix contre 83. Cette loi, promulguée le 11 juin 1842, est pour ainsi dire le code des chemins de fer français, elle fixe dans quelle mesure l’état et les compagnies concourent aux charges et aux bénéfices de la construction et de l’exploitation. On se mit à l’œuvre sans plus de retard ; mais ce qui domina d’abord, ce fut un agiotage effréné. Vingt compagnies pour une s’étaient constituées à un capital quelconque, émettaient des actions qui, selon les chances variables, subissaient des fluctuations dont les manieurs d’argent savaient tirer profit. Ce fut pendant quelques temps une folie scandaleuse qui put remettre en mémoire les beaux jours du système de Law. Tout ceux qui en France avaient une influence quelconque s’ingénièrent à tirer de leur côté les concessions définitives. La spéculation se jeta dans le mouvement à corps perdu, délia les cordons de la bourse, et, entraînée par l’espoir et l’exemple de gros bénéfices, offrit aux futurs chemins de fer plus d’argent qu’ils n’en demandaient. Si le mobile fut peu louable, le résultat du moins  fut excellent, et l’on put, grâce aux capitaux qui abondaient, grâce à une armée d’ingénieurs intelligens, déployer dans la construction de nos voies ferrées autant d’activité qu’on avait mis jadis de lenteur et de mauvais vouloir à les adopter. Partout à la fois on se mit à l’œuvre, et l’on recommença enfin ce réseau français qui s’achève aujourd’hui et ne tardera pas à être complet. On n’a pas à se repentir d’avoir pris ce grand parti, et les prévisions les meilleures, celles des prétendus utopistes qui promettaient un grand avenir à nos chemins de fer, sont restées au-dessous de la réalité dans des proportions que des chiffres feront vite apprécier. Quand on a construit la ligne de l’Est (Paris à Strasbourg), on avait évalué le produit des marchandises à 12,000 francs par kilomètre, et celui des voyageurs, messageries, bagages, à 6,000 francs. Or en 1864 le produit de la petite vitesse sur la voie de l’Est a été de 38,959 francs par kilomètres, et celui des voyageurs, bagages et messageries de 27,893 fr., c’est-à-dire que le produit total, étant de 66,732 francs au lieu de 18,000, a dépassé les premiers calculs de près de 48,000 francs [J'emprunte ces chiffres et d'autres renseignements techniques à l'ouvrage de M. Jacqmin De l'Exploitation des Chemins de fer, 2 vol. in-8° ; Paris, Garnier frères, 1868.]. Est-ce à dire que de si magnifiques résultats aient désarmé les adversaires systématiques des chemins de fer ? Non pas, et en 1854 un archevêque dont je tairai le nom a dit, dans un mandement rendu public et affiché à la porte des églises, que les chemins de fer avaient été suscités pour punir les prévarications des cabaretiers, dont l’impiété ne craignait pas de donner à boire le dimanche aux rouliers qui passaient. C’est là un côté de la question que l’on n’avait pas encore étudié.

Quand on regarde une carte de France, on croirait voir une forte toile d’araignée dont le nœud est situé à gauche et en haut ; c’est là en effet la forme de notre réseau, dont toutes les lignes convergent sur Paris. La solution de continuité est encore apparente sur Clermont-Ferrand, Aurillac et Mende, sur Gap et Digne, sur Bressuire et Napoléon-Vendée, vers Avranches et Mayenne ; mais partout ailleurs les mailles du grand filet métallique se serrent, s’entrecroisent, portant avec elles la fécondation et la vie. Les lignes exploitées ont coûté plus de 8 milliards à construire ; on est loin, comme il est facile de le voir, des 400 et des 800 millions dont on parlait en 1834 ; pour être complet, le réseau doit se développer sur un rayonnement de 21,040 kilomètres, dont 15,750 étaient livrés à la circulation le 1er janvier 1868. Les compagnies chargées de les exploiter ont à leur service une véritable armée composée de 95,565 employés commissionnés ; leur force motrice est représentée par 4,064 locomotives, et leurs moyens de transport par 90,490 voitures ou fourgons. Pendant l’année 1866, le transport effectué par les chemins de fer français a été : voyageurs, 92,124,914 [La population de la France est de 36,877,000 habitans.] ; espèces d’or et d’argent (valeur déclarée), 4,016,442,694 fr. 56 c. ; voitures, 19,779 ; bagages, 177,662,872 kilogrammes ; articles de messageries et denrées fraîches, 378,015,403 kil. ; animaux, tels que chiens, chevaux, porcs et bestiaux, 6,112,788 têtes ; marchandises, 38,782,977,125 kil. De tels chiffres font comprendre mieux que tout raisonnement les incalculables services que les chemins de fer rendent aujourd’hui à la France.

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