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SAIGNES-YDES • BARRAGE DE MARÈGES SUR LA DORDOGNE

L'USINE HYDROÉLECTRIQUE DU BARRAGE DE MARÈGES
CHANTIER DE L'USINE HYDROÉLECTRIQUE DU BARRAGE DE MARÈGES
LIGINIAC (19) • 45° 23' 22.5" N, 02° 21' 55.4" E
Lors de la construction du barrage de Marèges de 1932 à 1935, le ciment était amené par la ligne de Paris à Aurillac jusqu'à la gare de Saignes-Ydes qui était la plus proche du chantier (PK 465). Un embranchement à double voie avec hangar de stockage était capable de recevoir deux trains de 300 tonnes. De là, le ciment était dirigé sur les chantiers au moyen d'un transporteur aérien monocâble d'un débit de 15 t/h qui desservait en cours de route le magasin annexe pour les travaux de l'usine et, en fin de parcours, le magasin principal des installations de préparation du béton du barrage. (*)
RÉFÉRENCE & LÉGENDE : OpenRailwayMap
 

> “ Le Génie Civil ” du samedi 7 juillet 1934 (*)

TRAVAUX PUBLICS
L'AMÉNAGEMENT DE LA CHUTE DE MARÈGES SUR LA DORDOGNE
par Jacques Dumas, Ingénieur E.S.E.

“ L’État et la Compagnie d'Orléans travaillent en commun à l'aménagement des chutes de la concession, les travaux dits de génie civil (barrages et ouvrages régulateurs, prises d'eau et conduites d'amenée, bâtiments des usines) étant dévolus à l’État (Service spécial d'Aménagement de la Haute-Dordogne), l'équipement électromécanique des usines étant du ressort de la Compagnie. Un Comité de direction assure l'unité de vues indispensable.

L'aménagement intégral de la concession comporte la création de neuf usines : quatre sur la Dordogne, trois sur les Rhues (affluents de gauche de la Dordogne), et deux sur le Chavanon (affluent de droite), capables de produire ensemble environ 800 millions de kWh par an.

Une seule de ces usines est actuellement en service, celle de Coindre, utilisant les eaux de la grande et de la petite Rhue.

Les travaux de construction du barrage du Chavanon, commencés en 1922, ont été suspendus en 1926 ; enfin le barrage et l'usine de Marèges (sur la Dordogne), qui font l'objet de la présente note, ont été entrepris en 1932, et doivent être terminés en 1935.

Conception générale de l'aménagement

— L'usine hydroélectrique de Marèges est de beaucoup la plus puissante de toutes celles de la concession de la Compagnie d'Orléans. Elle est située en effet sur le cours d'eau principal, la Dordogne, assez en aval pour recueillir les eaux de presque tout le bassin versant concédé (environ 2 500 km² à Marèges).

Le module (ou débit moyen annuel en litres par seconde et par km²) est encore très soutenu dans cette région d'altitude assez élevée (500 mètres environ), irriguée par le versant ouest de la chaîne des Puys. Il atteint en année moyenne 26 litres, ce qui correspond à un débit moyen annuel de 65 m³/s.

La pente de la rivière est de l'ordre de 5 m/km, et l'on dispose à l'amont de l'usine d'une étendue de gorges désertes d'une quinzaine de kilomètres de longueur, jusqu'aux premières maisons de Bort-les-Orgues, dont la présence dans la vallée assigne une limite supérieure aux eaux de la retenue.

Il était donc possible, en barrant la vallée à cet endroit, de créer une chute de 75 mètres de hauteur dont la puissance normale disponible serait d'environ 33 000 kW. Pour disposer d'énergie de pointe et réduire les pertes d'eau en temps de crue, les services électriques de la Compagnie d'Orléans ont décidé de fortement suréquiper l'usine, qui pourra fournir 128 000 kW, soit près de quatre fois la puissance normale disponible.

Un tel suréquipement oblige à faire une très grande usine. Or, les gorges de la Dordogne sont fort étroites sur de grandes longueurs. À perte de vue, la rivière serpente entre deux versants granitiques resserrés et abrupts, de 250 mètres de hauteur. Cette disposition des lieux risquait d'entraîner des difficultés d'exécution considérables, tenant à l'extrême exiguïté d'un chantier mal desservi et menacé en permanence par les crues de la Dordogne, qui sont d'une violence terrible. La même gêne aurait été ressentie en exploitation.

Pour loger l'usine, on a donc tiré profit d'un épanouissement de la vallée à proximité duquel se trouve une excellente position de barrage. La présence de plusieurs thalwegs secondaires autour de celle-ci donne toute l'aisance nécessaire à l'implantation des ouvrages régulateurs (prises d'eau et évacuateurs de crue), et à l'installation des chantiers ; elle rend l'accès plus facile et simplifie beaucoup les problèmes d'entreprise.

L'ensemble des installations est situé à 3 km en amont du pont suspendu de Vernéjoux et à 15 km en aval de Bort-les-Orgues ; il est distant de 700 mètres environ du poste de coupure et de transformation de La Môle-Marèges, qui est situé 250 mètres plus haut sur le plateau de La Môle et auquel l'usine de Marèges enverra son courant.

Ce poste, qui reçoit déjà le courant des usines de Coindre, sur les Rhues, de Val Beneyte, sur la Diège, de Laval et Lamativie, sur la Cère, et de Brommat et Sarrans, sur la Truyère, fait partie de la ligne à 220 000 volts reliant les usines du Massif Central à celles de la région parisienne.

Cette ligne, dont l'inauguration a eu lieu le 21 novembre 1932, et que nous avons décrite, à cette occasion, dans le numéro du Génie Civil du 10 décembre suivant, permet aux usines hydrauliques du Massif Central de fournir du courant aux usines thermiques de la région parisienne, pendant la période des eaux abondantes, et d'en recevoir, au contraire, de celles-ci pendant les moments de sécheresse. De cette façon le courant nécessaire aux lignes électrifiées de la Compagnie d'Orléans est assuré dans les meilleures conditions.

Les installations de Marèges comprennent :

1° UN BARRAGE de 90 mètres de hauteur au-dessus de ses fondations et 247 mètres de développement en crête, relevant de 75 mètres environ le niveau de la Dordogne, et créant un réservoir de 40 millions de mètres cubes, dont 35 millions utiles ;

2° Trois évacuateurs de crues, dont un déversoir à l'air libre sur la rive droite et deux souterrains sur la rive gauche, permettant d'évacuer 2 700 m³ à la seconde ;

3° Deux galeries d'amenée de l'eau aux turbines, situées sur la rive droite, avec cheminées d'équilibre et conduites forcées ;

4° UNE USINE hydro-électrique de 150 000  kVA, établie sur la rive droite, un peu en aval du barrage, parallèlement à la rivière, et comportant 4 groupes turboalternateurs principaux de 37 500 kVA à axe vertical, capables de produire ensemble 128 000 kW sous un facteur de puissance d'environ 0,85 ;

5° Un poste de transformation attenant à l'usine et élevant à 90 000 volts ou à 220 000 volts la tension du courant produit par l'usine, pour l'envoyer au poste de transformation de La Môle-Marèges ;

6° Deux galeries de fuite souterraines, situées sur la rive droite et rejetant les eaux à 500 mètres en aval dans le lit de la Dordogne.

BARRAGE

— La conception du barrage découle tout naturellement du site choisi. L'excellente qualité des appuis et la convergence des rives rendaient séduisante l'idée d'une voûte unique calée sur les deux flancs de la vallée. L'ampleur du développement en crête ne doit pas surprendre ou inquiéter, il en existe de nombreux précédents. La voûte n'en a que plus d'aisance pour obéir aux sollicitations d'origine mécanique ou thermique et fatigue moins.

Le principe de la voûte étant adopté, les études de détail, entreprises longtemps avant l'exécution, sous la haute direction de M. Coyne, Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, chef du Service d'Aménagement de la Haute-Dordogne, et de MM. Mary et Duffaut, Ingénieurs des Ponts et Chaussées, ont permis d'en affiner les formes et de les ajuster exactement au terrain.

La rive gauche, qui s'élève sans rupture de pente beaucoup plus haut que la retenue, reçoit directement la poussée de la voûte. La rive droite, d'un aspect plus tourmenté, présente, à mi-hauteur du barrage, un gradin qui divise localement la pente. Elle soutient la voûte par l'intermédiaire d'une culée rectiligne, ayant un profil de barrage-poids, et servant de déversoir de crues.

Les caractéristiques essentielles de l'ouvrage sont les suivantes :

  • Hauteur maximum : 90 m.
  • Longueur développée en crête voûte : 198 m.
  • Longueur développée en crête culée-poids : 49 m.
  • Épaisseur en crête : 3 m.
  • Épaisseur à la base : 19 m.
  • Rayon d'extrados en crête : 100 m.
  • Rayon d'extrados à la base : 80 m.
  • Rayon d'intrados en crête : 97 m.
  • Rayon d'intrados à la base : 25 m.
  • Cube total de fouilles : 50 000 m³.
  • Cube total de béton : 185 000 m³.
  • Taux de fatigue moyen du béton (calculé) : 25 kg/cm².
  • Taux de fatigue maximum du béton (calculé) : 55 kg/cm².
  • Résistance minimum du béton à l'écrasement, à 90 jours : 220 kg/cm². ”

 

> “ Le Temps ” du dimanche 6 octobre 1935 (**)

L'ÉLECTRIFICATION DU RÉSEAU D'ORLÉANS
DE VIERZON À BRIVE
(De notre envoyé spécial)

Brive, 5 octobre.

“ Le train qui emmenait, hier, les personnalités officielles participant à l'inauguration de la traction électrique sur la ligne de Vierzon à Brive, a parcouru avec une aisance remarquable, malgré son poids — 425 tonnes — cette ligne accidentée, à la vitesse de 100 kilomètres à l'heure — performance qu'accomplissent d'ailleurs chaque jour les nombreux rapides circulant sur cette section.

L'électrification de la ligne de Vierzon à Brive porte de 1 285 à 2 049 le nombre de kilomètres de voies simples électrifiées du réseau d'Orléans.

L'ensemble de toutes les sous-stations représente une puissance installée de 125 000 kilowatts et les lignes à 90 000 volts qui les alimentent atteignent une longueur de 1 220 kilomètres.

Le trafic assuré par la traction électrique passe de 6 100 millions de tonnes brutes kilométriques à 8 800 millions et représente 40% du tonnage brut kilométrique total du réseau P.-O.

L'économie de charbon réalisée — soit 455 000 tonnes   ajoutée à celle qui résulte de l'électrification du réseau du Midi, correspond à un allégement considérable de nos achats à l'étranger, qui peut être évalué à 140 millions de francs. ”

Visite du barrage de Marèges

“ Les invités de la Compagnie de Paris à Orléans, arrivés hier soir à Brive et qu'a retrouvés ce matin M. Laurent Eynac, ministre des travaux publics, sont partis pour inaugurer l'usine et le barrage de Marèges, grâce auxquels est fourni le courant à la nouvelle ligne électrique.

Après la visite du poste de la Mole-Marèges où convergent les lignes à 220 000 et 90 000 volts issues des principales usines hydroélectriques du Massif Central, et d'où partent les deux lignes à 220 000 volts qui amènent dans la région parisienne une partie de l'énergie produite par ces usines, les visiteurs se sont rendus au barrage, où dans une étroite vallée encaissée, la nappe d'eau est tenue prisonnière des rives abruptes et boisées de la Dordogne. À côté, au fond d'un ravin, l'usine apparaît, rapetissée par la dis- tance, avec son toit couvert de cuivre, son bassin de fuite où s'écoulent les eaux évacuées par les turbines et d'où partent les deux galeries qui restituent à la Dordogne, à 500 mètres en aval, le débit qu'on lui a emprunté.

M. Coyne, ingénieur en chef des ponts et chaussées, présente le barrage aux lignes pures et à la courbure audacieuse dont il est l'auteur. Cet ouvrage diffère sensiblement de ceux qui l'ont précédé : alors que ceux-ci résistent par leur poids — des milliers de tonnes de béton — à la pression des eaux, le barrage de Marèges a été conçu comme une voûte qui transmet la pression du lac artificiel aux deux versants granitiques des rives. Cette solution présente le double avantage d'être élégante et économique à la fois.

Ce barrage a été du reste construit avec un matériel et selon les derniers procédés de la technique : c'est ainsi notamment que le béton a été amené à pied d’œuvre au moyen de tours métalliques très hautes munies de tapis roulant, qui étaient utilisées pour la première fois en Europe.

Après la visite des évacuateurs de crues, les invités se sont rendus sur la plateforme de l'usine où se trouvent deux groupes de transformateurs de 75 000 kilovolts-ampères destinés à élever la tension à 220 000 volts et le transformateur de 37 500 kilowatts qui doit alimenter directement à 90 000 volts le réseau de traction électrique.

La visite de l'usine a eu lieu ensuite en commençant par l'immense salle des machines qui abrite quatre alternateurs principaux de 37 500 kilowatts se classant parmi les plus importants de France, et s'est poursuivie par la salle des turbines, les salles d'appareillage qui abritent les disjoncteurs à 12 000 volts, la salle de répartition des câbles où des milliers de circuits sont classés et groupés en nappes horizontales, et enfin la salle des pupitres d'où sont commandés les différents groupes par l'intermédiaire d'un tableau lumineux qui indique par des colorations différentes l'état des disjoncteurs ou des sectionneurs et de tous les circuits. ”

 

SOCIÉTÉ NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANÇAIS

UNE VISITE AU PLUS GRAND BARRAGE D'EUROPE :
LE BARRAGE DE MARÈGES

Des billets spéciaux à prix réduit (40 % de réduction) sont délivrés au départ de Paris et de certaines gares du Sud-Ouest pour Ussel, point de départ du service automobile qui vous conduira au barrage de Marèges.

Profitez de ces facilités qui vous permettront d'admirer une des plus belles réalisations de la technique moderne.

Une excursion en bateau sur la retenue d'eau de MARÈGES et sur la Haute-Dordogne complétera cette visite inoubliable.

Demandez aux gares intéressées le tract spécial édité sur cette excursion ainsi que tous renseignements complémentaires.

Avis paru dans “ Le Temps ” du vendredi 4 août 1939 (**)

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