“ Saint-Flour, 16 juillet.
Tandis que M. Eiffel achevait la « Tour du Champ-de-Mars » qui allait porter son nom, les chemins de fer livraient au trafic le plus étonnant pont du monde : le viaduc de Garabit, sur lequel la ligne de Saint-Flour à Béziers traverse la rocailleuse vallée de la Truyère. Garabit est également l’œuvre de l'ingénieur Eiffel, une œuvre empreinte d'audace et dont la conception s'inscrit sous le signe du génie.
Depuis 50, ans, les trains font quotidiennement gronder le viaduc. Ils passent à 124 mètres au-dessus de la rivière et franchissent les 447 mètres de l’œuvre métallique sans provoquer dans l’immense, mais léger assemblage, le moindre mouvement anormal. Les intempéries, les vents, qui parfois dans une course d'ouragan suivent la vallée, n'ont, eux non plus, aucune action sur le viaduc dont la robustesse défie les efforts patients des mauvaises saisons.
Aujourd'hui, la population du Cantal célèbre le cinquantenaire du « Garabit », comme on dit ici. Une foule considérable est venue de tous les points du département et, de plus loin même, participer aux fêtes organisées à cette occasion par la Société nationale des chemins de fer français et par les autorités locales.
De nombreuses personnalités, parmi lesquelles se trouvent notamment MM. Crémieux, directeur des chemins de fer au ministère des travaux publics ; Favières, inspecteur général des ponts-et-chaussées, directeur du contrôle des chemins de fer au ministère des travaux publics ; Goursat, directeur du service central du mouvement de la S.N.C.F. ; Epinay, directeur de l'exploitation de la région Sud-Ouest, ainsi que plusieurs fonctionnaires de cette même région ; MM. Dreyfus, chef du service de l'exploitation ; Boutelout, chef du service de la voie et des bâtiments, et Cardon, chef du service du matériel et de la traction, assistent aux cérémonies officielles, qui ont comporté, ce matin, une réception à la mairie de Saint-Flour, une visite de la ville, et, après quelques minutes d'autorail, une conférence fort intéressante faite par M. Boutelout, au pied même du viaduc.
C'est en effet dans la prairie de Garabit, au sein du cadre tourmenté de la vallée de La Truyère, que le cortège officiel s'est arrêté pour écouter l’étonnant récit de la construction du viaduc. Le viaduc est là pour preuve de ce que M. Boutelout retrace. L'ingénieur en chef de la voie expose notamment comment, sous la direction d'Eiffel, les deux parties du grand arc, dont les points de retombée sont à 165 mètres l'un de l'autre, furent lancées et raccordées au-dessus de la rivière. Après cette évocation des efforts, des luttes entre le vertige de ceux qui édifièrent Garabit, le cortège a gagné le bourg de Ruines où un banquet a été offert.
Dans l'après-midi, sur la prairie de Garabit, transformée en scène de verdure, vont se dérouler d'harmonieuses fêtes folkloriques. Entre deux danses chantées, les invités assisteront au passage, sur le viaduc, d'un train du matériel en service l'année où fut inaugurée l’œuvre de l'ingénieur Eiffel. ”