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AUTOUR DE LIMOGES

LIMOGES <> BRIVE via UZERCHE VIGEOIS • BB 26025 • 3631 PARIS-AUSTERLITZ > TOULOUSE-MATABIAU

BB 26025
BB 26025
LIGNE 590 LES AUBRAIS - MONTAUBAN-VILLE-BOURBON • TUNNEL DE VIGEOIS (366 M) • PK 468
INTERCITÉS 3631 PARIS-AUSTERLITZ > TOULOUSE-MATABIAU
18/07/2016 • 13:36 • VIGEOIS (19) • 45° 22' 58.3" N , 01° 30' 54.5" E
 
INTERCITÉS 3631 PARIS-AUSTERLITZ > TOULOUSE-MATABIAU
 
Km Gare/Arrêt Arrivée Départ
0 Paris-Austerlitz   09:41
119 Les Aubrais   10:39
400 Limoges-Bénédictins 12:54 12:57
499 Brive-la-Gaillarde 13:57 14:00
526 Souillac 14:25 14:27
549 Gourdon 14:44 14:46
600 Cahors 15:14 15:16
639 Caussade 15:40 15:41
662 Montauban-Ville-Bourbon 15:55 15:57
713 Toulouse-Matabiau 16:23  
 
Source : CFF

Jeudi 17 décembre 1908

UN TAMPONNEMENT SOUS UN TUNNEL ​ ENTRE BRIVE ET LIMOGES —WAGONS À LA DÉRIVE. 12 MORTS, UNE TRENTAINE DE BLESSÉS

Un grave accident de chemin de fer, qui a coûté la vie à treize personnes et dans lequel une trentaine de voyageurs ont été blessés, s'est produit hier soir vers six heures sur la ligne de Brive à Limoges, entre les gares d'Allassac et d'Estivaux.

Voici la note que nous communique la Compagnie d'Orléans :

Le train omnibus 742, parti de Brive pour Limoges hier soir à 7 h. 43, a été tamponné près d'Estivaux, sous le tunnel de Pouch, par des wagons du train de marchandises 2320 en dérive sur une forte rampe. On compte dix morts et quinze blessés.

Les chefs de service et le sous-directeur de la compagnie se sont immédiatement rendus sur les lieux.

D'après des renseignements complémentaires, voici comment se serait produit cet accident.

Un train de marchandises se dirigeant sur Limoges précédait le train omnibus, lorsque dans une rampe assez forte, ses attelages se rompirent et plusieurs wagons dévalèrent à une allure rapide vers Brive.

Le chef de gare d’Estivaux signale aussitôt à son collègue d'Allassac cet accident ; malheureusement, l’avis parvint trop tard ; le train omnibus était parti depuis trois minutes.

C'est sous le tunnel de Pouch quo la collision entre les wagons en dérive et le train 742 se produisit. Il fut impossible au mécanicien de voir ces wagons ; le choc fut d'une violence extrême ; les voitures du train de voyageurs déraillèrent et la locomotive mit le feu au convoi.

Le sauvetage fut excessivement difficile les wagons avaient pris feu, et on retirait plusieurs cadavres des décombres.

Ce fut une panique effroyable ; les voyageurs indemnes se sauvaient comme des fous. À cet endroit, la voie traverse les gorges de la Vézère et longe cette rivière. Les populations des villages voisins étaient accourues et purent dégager de nombreux blessés et aussi des cadavres.

Mais l'incendie faisait rage et bientôt il n'était plus possible d'approcher du brasier.

On avait immédiatement demandé des secours à Brive ; un premier train partait de cette gare vers huit heures, emportant les docteurs Prioleau, Bonnamy, Bosredon, Lagorse.

À neuf heures trente, dans un second train prenaient place M. Théaux, sous-préfet de Brive, le docteur Lachaud, député, les membres du parquet, la gendarmerie, les pompiers.

À la gare de Brive, les médecins donnèrent les premiers soins à quinze blessés, qu'un train spécial amenait d'Allassac.

Les morts ont été laissés à Allassac, avec les voyageurs qui n'étaient pas transportables.

Pendant toute la nuit, des équipes de sauveteurs et les pompiers de Brive sont restés, impuissants, sur les lieux ; la chaleur était si forte et la fumée si intense qu'il fut absolument impossible d'approcher des wagons en flammes.

Deux des blessés sont décédés à l'hôpital d'Uzerche où ils avaient été transportés. Ce sont MM. Larivière, d'Uzerche, et Vitout, de Vigeois.

Le mécanicien du train, M. Pistre, de Limoges, est parmi les morts ; sa fin fut des plus dramatiques. Le malheureux, les jambes prises sous sa machine, n'avait pas perdu connaissance « Allez chercher un cric », disait-il à ceux qui essayaient de le dégager. Mais l'incendie gagnait et l'infortuné mécanicien fut brûlé vif à son poste, sous les yeux des sauveteurs terrifiés.

La plupart des victimes sont des ouvriers terrassiers qui étaient occupés aux travaux d'agrandissement de la gare de Brive.

M. Barthou, ministre des travaux publies, au reçu de la nouvelle de cet accident, a envoyé sur les lieux M. Dejean, directeur de son cabinet, qui est parti ce matin.

Au sous-secrétariat d'État des postes et télégraphes, on nous dit :

Deux ouvriers des postes et des télégraphes ont été tués et quatre ont été blessés.

Le sous-secrétaire d'État a chargé la directeur de son cabinet, M. Dennery, de se rendre sur le théâtre de la catastrophe.

La circulation sur la ligne de Limoges à Brive par Uzerche est interrompue les trains empruntent la ligne de Limoges à Brive par Nexon.

Samedi 19 décembre 1908

UN TAMPONNEMENT SOUS UN TUNNEL

Brive, 18 décembre.

Malgré tous les efforts des pompiers de Brive, de Limoges et de Tulle, on n'a encore pu pénétrer bien avant dans le tunnel de Pouch.

Des wagons chargés d'alcool et de charbon continuent à brûler. L'atmosphère est irrespirable ; sous l'effet de la chaleur, des blocs de granit se détachent de la voûte, rendant l'approche du tunnel encore plus difficile.

Les travaux de déblaiement se sont poursuivis pendant toute la journée d'hier aux abords du tunnel : vers quatre heures, on a pu remettre sur les rails le tender sous lequel était pris le cadavre du chauffeur.

Dans la matinée, des ossements ont été encore retirés de dessous les décombres ; par la place qu'ils occupaient, on croit que ce sont les restes des deux serre-freins du train de marchandises, MM. Plazanet et Vidal. Mlle Larivière a reconnu le cadavre de son père, chef de chantier à l'agrandissement de la gare d'Estavel. Elle a déclaré qu'un jeune homme de vingt-cinq ans, M. Bradeau, était dans le train ; or, depuis la catastrophe on ne l'a revu ni au chantier ni à Chambourg, où il habitait.

D'autre part, on dit que sur quinze terrassiers travaillant à Estavel, et qui avaient pris le train tamponné, trois seulement ont reparu au chantier. Faudrait-il ajouter douze nouvelles victimes à celles qui ont déjà été retrouvées ?

Par contre, plusieurs journaux ont annoncé qu'au nombre des victimes se trouvait le docteur Justin Lemaître, professeur à l'école de médecine de Limoges, membre correspondant de l'Académie de médecine, chevalier de la Légion d'honneur. Le docteur est mort mercredi matin à la suite d'une longue maladie ; c'est la coïncidence de ce décès avec la catastrophe qui a donné lieu à cette confusion.

On a retiré actuellement quatorze cadavres des décombres ; les débris humains ont été placés dans des caisses et déposés à l'hospice d'Allassac. N'ont pu être identifiés encore : le cadavre d'une fillette de quatre à cinq ans ; celui d'une jeune fille de dix-huit à vingt ans ; le corps d'une femme assez forte et d'un certain âge ; celui d'un ouvrier terrassier.

MM. Vergé, préfet de la Corrèze ; Théaux, sous-préfet de Brive ; Coubon, procureur de la République ; Dennery, chef du cabinet du sous-secrétaire d’État aux postes ; les docteurs Labrousse et Bosredon, sont restés toute la matinée d'hier sur les lieux de la catastrophe.

M. Dennery, coiffant un casque de pompier, a pénétré sous le tunnel, où des sauveteurs, à la lueur de torches, explorent les débris ; il a assisté à la découverte de fragments de crâne et d'ossements que l'on croit être ceux des deux serre-freins.

M. Dejean, directeur du cabinet, de M. Barthou, est reparti mercredi soir pour Paris.

Après avoir visité les blessés soignés à Allassac, le préfet a pris les dispositions nécessaires pour procéder aux funérailles des victimes identifiées : le corps de M. Desbordes, télégraphiste, a été dirigé sur Limoges ; celui de M.Barriand, ouvrier télégraphiste, est parti pour Saint-Priest-Taurion.

M. Dennery a prononcé quelque paroles émues devant le cercueil de M. Desbordes.

Le sous-secrétaire d’État aux postes fera déposer des couronnes sur les cercueils des agents de son administration.

À la liste des blessés que nous avons publiée, il faut ajouter les suivants :

- Antoine Toïcas, vingt-sept ans, journalier à Uzerche (contusion aux pieds, fracture du maxillaire).

- Antoine Beneyton, journalier à Uzerche (contusions).

- Autrac, journalier à Vigeois (contusions).

- Antoine Ceillard, journalier à Salon-la-Tour (contusions).

- Ribière, passeur à Vigeois (contusions).

- François Desfos (contusions).

Le docteur Bosredon, de Brive, qui arriva un des premiers sur le lieu de l'accident, donne des détails émouvants. À l'exception du mécanicien Pistre, les victimes qui ont succombé n'ont pas dû souffrir, car la violence du choc a dû les tuer roide. Le train tamponné eut sa locomotive soulevée ; celle-ci, presque droite, touchait la voûte du tunnel ; le tender était, lui aussi, dressé, mais en sens inverse. Ces deux énormes pièces formaient ainsi un immense V. Sous la machine étaient venus se briser les premiers wagons du train de marchandises ; sous le tender, ce sont les wagons du train de voyageurs qui furent mis en miettes. Le premier wagon, de troisième classe, contenait dans deux compartiments neuf personnes tuées sur le coup. Un wagon de deuxième classe était renversé sur la voie descendante ; dans ce wagon avaient pris place le convoyeur des postes et les deux enfants de M. Dumart, chef d'équipe à Vigeois ; l'employé put se sauver. Quant aux enfants, leur sauvetage tient du prodige. Il y avait plus d'une heure et demie que les travaux se poursuivaient ; rien n'avait été signalé dans le wagon de deuxième classe. Soudain, la portière s'ouvrit, et on vit deux enfants s'enfuir : c'étaient les petits Dumart, qui, terrifiés, n'avaient pas osé appeler. À peine sortis des décombres, ils prirent leur course, escaladèrent la montagne, et disparurent, se rendant sans doute chez leurs parents.

Le docteur Bosredon ajoute que de tous côtés partaient des cris d'épouvante : mais les plus lamentables étaient poussés par le mécanicien Pistre, renversé, les deux jambes prises sous sa machine ; il avait aux pieds des sabots auxquels les charbons de la locomotive avaient mis le feu. « Tuez-moi, disait-il au docteur, si vous ne pouvez rien pour moi ; mes souffrances sont horribles, mes pieds brûlent. » On retrouva plus tard en effet deux sabots à moitié brûlés avec, à l'intérieur, les pieds calcinés.

RÉFÉRENCE