du jeudi 17 septembre 1914
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FAITS DIVERS
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L'accident de Mary-sur-Marne
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Le bruit a couru hier d'une catastrophe survenue aux environs de Meaux. Comme toutes les rumeurs qui, en temps de guerre, prennent d'instant en instant de plus en plus d'importance, celle-ci, colportée de bouche en bouche, occasionna quelque émotion dans la région de Paris.
D'avoir vu passer rapidement dans la matinée ambulances, taxi-autos et voitures de pompiers, les riverains de l'ex-avenue d'Allemagne et les habitants de Pantin, Pavillons-sous-Bois, Bondy s'imaginèrent qu'il était survenu quelque grave événement et qu'on le leur cachait. La vérité est tout autre un accident s'est en effet produit hier matin, vers minuit et demi, à Mary-sur-Marne, petite localité proche de Lizy-sur-Ourcq, station de la ligne Paris-Reims, à quinze kilomètres au nord-est de Meaux mais il n'a pas l'importance qu'on fut trop enclin à lui donner.
Les hasards d'une randonnée en automobile, au retour des champs de bataille, nous ont mis en présence des faits un convoi de blessés, venant du Nord, était dirigé vers Paris. Les lignes, dans cette région, sont surchargées et le trafic y est depuis quelques jours d'une prodigieuse intensité. D'autre part, de nombreux embranchements permettent de changer d'heure en heure la direction des trains, selon que les voies sont plus ou moins encombrées. Depuis peu on avait fait sauter le pont d'une des voies terrées qui franchit la Marne. Le convoi, engagé la nuit sur cette ligne, n'a pu apercevoir la solution de continuité qui surgissait devant lui : locomotive, tender et wagons de tête sont tombés dans la Marne.
Au petit jour, lorsque nous arrivons sur les lieux, plusieurs automobiles remplies de médecins militaires sont sur place. Un major qui était cantonné dans le voisinage s'est porté immédiatement au secours des blessés et, avec l'aide de la population de Mary-sur-Marne, dont le dévouement, a été admirable, a fait transporter la plupart des occupants du train dans les maisons environnantes ainsi qu'à l'ambulance de la Croix-Rouge installée dans une propriété voisine.
Des menuisiers, arrivés en toute hâte, ont pu scier les compartiments des wagons, enchevêtrés les uns dans les autres, et permettre ainsi de retirer ceux qui les occupaient. On a dressé des échelles le long de l'amoncellement des voitures de tête et, avec d'infinies précautions, de courageux habitants ont pu descendre le long de la rive les plus atteints, qui ont été immédiatement transférés aux alentours.
Une demi-douzaine de wagons sont restés sur la voie, vides maintenant. À cent mètres en arrière, un train de secours a été formé et ramène la majeure partie des occupants, tandis que les ambulances, venues en hâte de Paris, emportent vers la grand'ville ceux dont l'état réclame les soins les plus rapides.