LIGNE DE SARLAT À SOUILLAC ET AURILLAC EN 1951
par Guy Desnues [*]
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“ La transversale Bordeaux-Aurillac prend, en réalité, naissance à Libourne, d’où elle remonte longuement la vallée de la Dordogne, puis gagne, par les gorges de la Cère, les premiers contreforts de la Basse-Auvergne. La section Sarlat-Aurillac en représente à elle seule la moitié du parcours et en constitue certainement la partie la plus intéressante.
Inaugurée en 1884 de Sarlat à Cazoulès et en 1889 de Cazoulès à Saint-Denis-près-Martel, la ligne n’atteignit Aurillac qu’en 1891. À cette époque trois trains quotidiens, dans chaque sens, accomplissaient en huit heures ce trajet de 123 kilomètres que les derniers trains à vapeur directs franchissaient, en 1937, en 4 heures 20 minutes dans le sens de la descente et en 5 heures dans l’autre sens, et que les modernes autorails ABJ et ABV parcourent aujourd’hui en trois heures.
De Sarlat, origine de la ligne de Condat-le-Lardin, et d’une ligne à voie étroite depuis longtemps disparue vers Villefranche-de-Périgord, la voie se rapproche de la Dordogne qu’elle rejoint à Carsac, laissant à droite l’embranchement de Gourdon.
Elle suit alors les bords pittoresques de la rivière, atteint Carlux après un tunnel de 459 mètres, passe à Peyrillac, et rejoint à l’entrée de la gare de Cazoulès, la grande ligne de Paris à Toulouse par Cahors. Cette première section de 24 kilomètres, à voie unique, présent des pentes maxima de 15 ‰. La gare de Sarlat est située à 153 mètres d’altitude, celle de Cazoulès à 101 mètres. Sur cinq kilomètres le trajet devient ensuite commun à la grande ligne dont elle emprunte la double voie, avec ses ouvrages d’art : tunnel du Pas-du-Raysse (280 m.), viaducs des Marjaudes (227 m.) et de Présignac (150 m.).
Huit cent mètres après Souillac, à l’extrémité du magnifique viaduc de maçonnerie, en courbe, long de 571 mètres, et qui surplombe de 30 mètres cette charmante petite ville, la ligne retrouve son autonomie. C’est alors, de nouveau la voie unique.
La section de 19,131 km. qui permet d’atteindre Saint-Denis-près-Martel est construite sur un plateau assez aride, dont elle épouse les ondulations par des déclivités atteignant jusqu’à 20 ‰ et des courbes de 300 mètres de rayon (la plus longue rampe de 20 ‰ s’étend sur 4,070 km. et la plus longue courbe de R = 300 atteint 557 m. 20).
La vallée sèche de Bramefond est franchie à 2,800 km. de Souillac par un viaduc de 14 arches, en courbe de R = 300 et en pente de 20 ‰, long de 321 m. 95 et haut de 44 m. 14. Un autre important viaduc, celui des Courtils, situé à 2,500 km. avant Saint-Denis-près-Martel est également en pente de 20 ‰ et en courbe de 300 m. et s’étend sur 141 m.80 à 35 mètres au-dessus de la vallée.
En outre, six tunnels, d’une longueur totale de 1.440 mètres s’échelonnent entre Souillac et Saint-Denis. Cinq d’entre eux sont d’ailleurs situés dans les 6,500 km. qui séparent Martel de Saint-Denis (Meyrangles : 268 m. 50, Mirandol : 393 m. 50, les deux souterrains des Falaises et celui des Courtils).
Après les haltes aux noms poétiques du Pigeon (où se trouve le sixième tunnel long de 553 mètres) et de Baladou, et passée la tranchée de la « Garrigue » (où la voie atteint son faîte à 9,400 km. de Saint-Denis, avec 252 m. 70 d’altitude) la seule station quelque peu importante, Martel, dessert une très ancienne bourgade riche en monuments intéressants.
Puis, gagnant à nouveau la vallée de la Dordogne qu’elle avait quittée à Souillac, la ligne redescend rapidement sur Saint-Denis dont la gare est située à plus de 100 mètres au-dessous du niveau de celle de Martel.
La voie est entaillée dans le flanc d’une falaise presque verticale, qu’elle suit par une pente de 20 ‰ dont la construction a nécessité d’importants murs de soutènement.
La vue sur la vallée est, ici, particulièrement belle et étendue, avec, au premier plan, blotti au pied du roc, le vieux village de Gluges, et, sur l’autre rive, la silhouette imposante du cirque de Montvalent.
Située sur la ligne de Brive à Capdenac, la gare de Saint-Denis-près-Martel fut entièrement reconstruite en 1889, lors de la création de la transversale. Munie, comme celles de Sarlat et de Souillac, d’une prise d’eau pour machines, elle comporte 19 voies et un dépôt pour six machines que les restrictions de circulations locales et la puissance des locomotives actuellement en service rend, d’ailleurs pratiquement inutilisé aujourd’hui, mais où stationnèrent autrefois les 040, puis les 130 des séries 1800 et 1900 en provenance d’Aurillac ou du Buisson et de Bergerac.
D’un profil extrêmement difficile, la section Saint-Denis-près-Martel à Aurillac, longue de 75,400 km. est aussi, sans aucun doute, l’une des plus pittoresques de cette région. Partant de 119 m. d’altitude, la voie monte, d’abord assez lentement jusqu’à Laval-de-Cère (171 m.) par des rampes variant entre 7 et 16 ‰ puis plus rapidement ensuite par de nombreuses rampes de 20 ‰ dont une de 1.500 mètres de long. Elle atteint 454m. d’altitude à Laroquebrou et 631,50 m. à Aurillac.
Sur 61,400 km. propres à la section étudiée ici, 38,200 km. se trouvent situés dans le Lot (la ligne fait même une légère incursion sur le territoire limitrophe de la Corrèze, après Laval-de-Cère, sur une longueur de 7,8 km. en empruntant la rive droite de la Cère) et le reste dans le Cantal. Le départ de Saint-Denis s’effectue par rebroussement. Après les stations de Vayrac et de Puybrun où elle traverse la Dordogne, la voie va désormais remonter le cours tourmenté de la Cère.
La station de Bretenoux-Biars est située dans la riche plaine formée par le confluent de ces deux rivières, non loin des villages touristiques de Beaulieu, de Saint-Céré, d’Autoire et de Sousceyrac, au déjeuner fameux, des grottes de Presque, des châteaux de Montal et de Castelnau.
Mais ces riants paysages font bientôt place à une nature sauvage, aux épaisses broussailles escarpées qui semblent inaccessibles à l’homme.
À Port-de-Gagnac, en effet, la vallée se resserre et s’enfonce entre des collines boisées et rocheuses qui atteindront bientôt 300 mètres de haut pour former une gorge de plus en plus étroite, où la rivière se fraie difficilement passage et prend parfois des allures de torrent.
Après Laval-de-Cère (29 km. de Saint-Denis) aucune route ne pénètre plus dans ces gorges dont, seul, le chemin de fer a violé le secret.
Aussi, lors de la construction de la ligne, des chemins d’accès provisoires durent-ils être spécialement établis pour permettre l’apport des matériaux par chars de bœufs. Une demi-douzaine de tunnels se succèdent et la Cère est franchie avant Lamativie (35 km.). Entre cette dernière station et celle de Laroquebrou, distante de 16 kilomètres, sont situés, parmi les 17 tunnels qui forment sur 12 km. près du tiers du parcours, les trois souterrains les plus longs de la section.
La halte de Siran, ouverte pendant un certain temps, à mi-chemin entre ces deux gares, n’a pas été maintenue, dans ces parages dépeuplés et perdus.
Après Laroquebrou, premier village d’aspect auvergnat, dominé par les ruines considérables d’un château-fort, et qui devait, selon d’anciens projets, être relié par voie étroite à Limoges via Tulle, la vallée commence à s’élargir et retrouve un aspect moins sévère. La Cère est franchie deux fois avant Miécaze (56 km.) où la ligne se soude à celle venant de Bort-les-Orgues, par Mauriac. Puis un viaduc de 34 mètres de haut sur la vallée de l’Authre permet d’atteindre Viescamp (61,400 km.) d’où la voie est alors doublée de celle de Figeac jusqu’à la Préfecture du Cantal à 14 kilomètres de là.
En résumé, la section de Saint-Denis-près-Martel à Viescamp comporte quatre viaducs en maçonnerie : ceux de l’Authre, entre Viescamp et Miécaze (118 m. 50 de long et 34 m. 10 de haut) ; de l’Auze (108 m. 75 de long et 23 m.62 de haut) et de la Cère (132 m. 10 de long et 24 m. 89 de haut), tous deux entre Miécaze et Laroquebrou, et encore un autre sur la Cère, plus petit, entre Lamativie et Laval-de-Cère (longueur : 59 m. 66 ; hauteur : 14 m. 32).
Il faut y ajouter un pont métallique sur la Dordogne (128 m. 40 de long) entre Bretenoux et Puybrun, jouxtant un pertuis de décharge enjambé par deux travées de 15 m. d’ouverture chacune.
Les souterrains au nombre de vingt-six représentent un total de 5,528 km. soit 1/11e de la ligne (cette proportion atteint même 1/6e entre Miécaze et Gagnac). Les plus longs sont ceux de Laborde (573m.), d’Aulhac (477 m.) et du Cambon (474 m.) entre Lamativie er Laroquebrou.
Les rayons des courbes s’abaissent, sur cette section, jusqu’à 250 m. Des prises d’eau existent à Aurillac, Viescamp, Laroquebrou, Lamativie, Bretenoux et Saint-Denis-près-Martel.
Avant la guerre, des machines des types 121-B et 130-A assuraient le service voyageur et des voitures doubles B3C9D circulaient sur la ligne.
Au 1er juillet 1938 une coordination partielle, par suppression des omnibus locaux, a été appliquée entre Sarlat et Saint-Denis-près-Martel, le service direct étant effectué par autorails venant de Bordeaux. Sous l’occupation, réapparut une petit « M.V. » sans prétention dont la 130-A aimait flâner dans les paysages qu’elle avait contribué autrefois à faire découvrir.
Actuellement, seule la section Saint-Denis-près-Martel-Aurillac conserve une certaine importance. Outre les autorails directs pour Bordeaux (deux l’été, un seul l’hiver) qui empruntent la ligne de bout en bout, et un autorail omnibus ADP de Brive, il y circule une rame express de Paris à Aurillac, avec voitures pour Bort-les-Orgues, via Miécaze. ”
m 07/08/1979 • LAMATIVIE (46) • 44° 58' 51.2" N, 02° 01' 49.3" E |
V 25/05/1990 • MIÉCAZE (15) • 44° 56' 51.4" N, 02° 14' 48.5" E |
L 13/08/1979 • YTRAC (15) • 44° 54' 38" N, 02° 21' 52" E |
L 03/08/1987 • AURILLAC (15) • 44° 54' 16" N, 02° 25' 06" E |