Jeudi 14 mai 1863
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SOCIÉTÉ GÉNÉRALE DE CRÉDIT MOBILIER ESPAGNOL
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RAPPORT
Présenté par le Conseil d’Administration
dans l’assemblée générale ordinaire des actionnaires
Du 11 mai 1863
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Présidence de M. de Osma
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Chemins de fer du Nord de l'Espagne.
Aussi c'est avec une vive satisfaction que nous vous annonçons que les travaux du chemin de fer du Nord marchent rapidement vers leur terme. Dans les premiers jours de juillet prochain c'est-à-dire dans six semaines, le Guadarrama, dont le percement a nécessité l'emploi permanent de douze à quinze mille ouvriers, pourra être franchi par les trains du service régulier, et l'exploitation s’étendra, sans discontinuité, de Madrid jusqu'aux frontières de la Navarre et du Guipuzcoa.
À la même époque, ou à peu de jours d'intervalle, la section de Beasain à Saint Sébastien sera terminée ; six semaines ou deux mois après, il en sera de même pour celle de Saint-Sébastien à Irun ; les travaux de Bayonne à Irun, sur le territoire français, sont également poussés avec un grande activité et seront terminés vers la fin de cette année.
La traversée des Pyrénées a présenté de grandes difficultés et a exigé les plus sérieux efforts, la persévérance la plus soutenue, de la part de la puissante Compagnie qui a entrepris de mener à bonne fin l'œuvre nationale à l'achèvement de laquelle l'Espagne attachait à juste titre le plus d'importance ; ces difficultés ont été même de telle nature qu'on a pu craindre pendant quelque temps de se trouver dans la nécessité de modifier le tracé qu'avait approuvé le gouvernement et sur lequel de grands travaux avaient déjà été exécutés.
Dans ces circonstances, la Compagnie a eu recours aux lumières et à l'expérience d'un des ingénieurs français les plus éminens et dont le nom est très connu en Espagne, M. Jullien, inspecteur général des ponts et chaussées, qu'elle a chargé de faire un nouvelle reconnaissance des lieux.
En même temps que s'opéraient des travaux en vue d'assainir le terrain sur lequel on avait commencé à opérer, M. Jullien avait prescrit éventuellement de nouvelles études pour là modification du tracé adopté.
Ces études ont duré près d'une année, mais les travaux d'assainissement ayant eu un plein succès, on a pu, avec une complète sécurité, reprendre sur ce point des travaux forcément ralentis. Ces travaux sont conduits avec une telle activité, qu'il ne résultera de ce ralentissement forcé qu'un très faible retard dans l'époque prévue pour l'achèvement de cette traversée. Il y a, en effet, plus de 7,000 ouvriers employés en ce moment sur ce seul point, et ce nombre s'augmente chaque jour des hommes que laisse libres l'achèvement successif des diverses parties du passage du Guadarrama. Ainsi, dans quelques mois, le chemin du Nord ne présentera dans son parcours total qu'une simple lacune de 26 kilomètres par la route de terre, et cette lacune elle-même sera promptement comblée.
On doit avoir d'autant plus de reconnaissance envers la Compagnie du chemin du Nord pour de pareils efforts, que cette entreprise aura été presque entièrement exécutée avec les fonds fournis par des capitalistes étrangers ; les actions et les obligations de cette Société sont, en effet, très divisées, et sont réparties sur toutes les places de l'Europe, notamment en Belgique, en Allemagne, en Hollande, en Suisse et en France.
La constatation de ces faits suffit pour donner à cette Compagnie la certitude que la protection du gouvernement et des pouvoirs publics ne saurait lui manquer pour l'aider à résister aux tentatives et aux empiétemens d'une concurrence sans cause comme sans base, mais qui, pour des motifs que nous ne chercherons pas à apprécier, n'en a pas moins cherché à se faire jour au mépris des droits les mieux établis, et en violation des contrats les plus solennels.
Toute atteinte portée à ces droits serait une atteinte au crédit même de l'Espagne en Europe, et cette considération, indépendamment de la bonne foi publique, qu'on n'a jamais invoquée en vain dans ce pays, est pour la Compagnie du Nord la sauvegarde la plus complète.
C'est au surplus ce qui a été compris.
Plus nous étudions les contrées traversées par le chemin de fer du Nord, et plus nous sommes convaincus que l'ouverture complète de cette grande artère produira une véritable révolution dans les habitudes des provinces septentrionales de l'Espagne, et surtout dans celles de la capitale.
Le mouvement qui s'opère à Madrid dans la population et dans les constructions recevra une impulsion considérable, par suite des facilités de toute nature que le chemin du Nord créera pour l’apport des matériaux, des denrées alimentaires et des produits manufacturés.
Vous voyez, messieurs, que la situation de nos diverses affaires en Espagne, et des entreprises auxquelles nous avons concouru est excellente et ne laisse rien à désirer mais nous avons été particulièrement favorisés dans nos placemens, et, nous avons retiré de grands avantages des fonds nouveaux dont nous avons eu la disposition, par suite des versemens qui ont été opéré aux époques fixées dans notre dernière assemblée générale.
Cet accroissement de ressources, qui était devenu indispensable, nous a permis en effet de donner à nos opérations une extension dont nous avons tout lieu de nous applaudir.
Il nous a surtout permis de nous associer aux grandes opérations financières entreprises tant par ta Société générale de crédit mobilier français que par les autres sociétés du même genre qui se sont récemment formées.
Ces opérations ont même pris une telle importance que nous nous trouvons heureusement déjà dans le cas de constater l'insuffisance des actions émises à l'origine de notre Société, jusqu'à concurrence de la moitié de notre capital social, et que nous sommes amenés à reconnaître la nécessité d'appeler la seconde moitié de ce capital.
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Lundi 25 avril 1864
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SOCIÉTÉ GÉNÉRALE DE CRÉDIT MOBILIER
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RAPPORT
Présenté par le Conseil d’Administration
dans l’assemblée générale ordinaire
Du 23 avril 1864
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PRÉSIDENCE DE M. ISAAC PEREIRE.
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Messieurs
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Parmi les grandes entreprises de chemins de fer auxquelles nous nous sommes spécialement intéressés, celle du chemin de fer du Nord de l’Espagne touche au terme de l’achèvement de ses travaux ; au mois de juillet de l’année dernière, la traversée du Guadarrama avait été terminée, comme nous vous l’avions annoncé, et l’exploitation a pu ainsi s’étendre sans discontinuité de Madrid à la crête des Pyrénées. Postérieurement, les deux sections du Guipuzcoa, entre le versant français des Pyrénées et Irun, ont été livrées à l’exploitation, de telle sorte qu’au mois d’octobre il ne restait plus à terminer sur cette ligne que la lacune des Pyrénées, d’une étendue de 46 kilomètres.
Tout nous donne lieu de penser que cette lacune sera comblée à la date fixée par les contrats d’entreprise, c’est-à-dire au 15 juillet prochain. L’activité avec laquelle ces travaux sont conduits nous donne à cet égard un espoir que nous croyons fondé.
Cette entreprise, l’une des plus grandes, des plus considérables de ces temps-ci, a pris dès son origine un caractère très général.
Les capitaux de l’Allemagne, de la Belgique, aussi bien que ceux de la France, ont concouru à la réalisation de cette œuvre, par laquelle vont disparaître les obstacles matériels qui tenaient l’Espagne isolée du reste de l’Europe.
Ils ont eu foi dans l’avenir de ce beau pays, qui, en retour, ne leur marchandera ni la protection ni les encouragements auxquels ils ont droit.
Après le chemin de fer du Nord de l’Espagne se placent naturellement les chemins du Midi qui en sont la continuation en France.
Compagnie du chemin de fer du Midi et du canal latéral à la Garonne.
Les mesures législatives adoptées dans la dernière session pour les divers groupes de chemin de fer qui constituent le réseau national ont donné à l’entreprise des chemins de fer du Midi son assiette définitive.
La communication avec l’Espagne par la frontière de la Bidassoa est ouverte depuis quelques jours, et le prochain achèvement du chemin de fer du Nord en Espagne ne tardera pas à faire de l’embranchement de Bordeaux à ... une ligne de premier ordre.
Les travaux de jonction à l’autre extrémité des Pyrénées se poursuivent sur les deux territoires ; et, de ce côté, le trafic international apportera encore au chemin du midi un contingent d’une grande importance.
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