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VERS LA VICTOIRE... AOÛT 1918

L’ARTILLERIE LOURDE SUR VOIE FERRÉE

CAMP DE MAILLY (AUBE) - OBUSIER DE 400 mm
 

L’ARTILLERIE LOURDE SUR VOIE FERRÉE (1)

La destruction de certains objectifs a exigé des canons puissants et par conséquent très lourds. Pour donner à de telles masses la mobilité stratégique indispensable le rail était tout désigné comme plate-forme idéale pour le roulement associant la rapidité du déplacement et le poids considérable à déplacer.

Cette artillerie comprenait trois sortes de matériels :

 
EXTRAIT DE “ VERDUN, VISIONS D'HISTOIRE ” DE LÉON POIRIER 1928 (2)
Canon allemand de 280 capturé par la 4e armée anglaise le 8 août 1918 exposé à Paris Gare du Champ-de-Mars
 

> Lu dans “ Le Temps ” du jeudi 29 août 1918 (3)

LE TROPHÉE

“ C'était un haut personnage dans la famille des canons. Il occupait un rang élevé dans l’aristocratie balistique d'Essen. Il était le propre petit-cousin — issu de germains — de l’impériale Bertha, doyenne vénérée de la dynastie des nobles fils de Krupp, appelés, par droit divin, à régner sur le monde.

Il faisait le siège d'Amiens. Il le faisait d'assez loin, comme il convient à un oberst-kanon dont la vie est précieuse et qui ne se risque pas en première ligne à la façon d'un vulgaire minenwerfer ou d'un modeste 77. Il combattait à l'arrière, bien abrité, et ne voyageait qu'en train spécial, avec toute sa suite. Ce train comprenait quatre wagons : un wagon-garde-manger, un wagon-restaurant, un wagon pour les domestiques et un wagon pour son médecin et son dentiste particuliers.

Et voici que ce puissant dignitaire a été fait prisonnier. Son train spécial n'a pu démarrer à temps et a été capturé tout entier par la 4e armée anglaise. Une locomotive française a été attelée à ce convoi et a remorqué le captif et sa suite jusqu'à la gare des marchandises du Champ-de-Mars, où la foule se presse depuis quelques jours pour examiner curieusement ce P. G. de qualité.

Il faut aller méditer devant cette étrange fantaisie métallurgique. C'est une très savante machine à tuer. On n'a rien inventé de plus pratique pour effacer à distance les être humains et leurs demeures. Mais dans le décor inattendu où l'immobilise le caprice du vainqueur, cette ultima ratio d'un tyran manque singulièrement de prestige.

Elle a perdu absolument tout caractère. Tout ce qui l’entoure l'humilie : les hautes maisons qui l'enserrent, et qu'elle ne peut plus renverser, lui offrent le spectacle ironique d'une vie paisible et insouciante. Aux fenêtres, des soubrettes, déjà blasées sur le voisinage de cet inutile télescope, secouent tranquillement sur lui leurs tapis remplis de poussière. Les taxis affairés, les bicyclettes fugitives glissent devant sa prison sans s'arrêter. La vie ardente de Paris neutralise la férocité du monstre. L'immensité du cadre qui l'entoure le rapetisse et le banalise. Il voulait écraser notre civilisation, et c'est notre civilisation qui l'écrase.

Ce chef-d'œuvre de l'art exterminateur, ce solide théorème, cette brillante équation d'acier sur lesquels pâlirent des hommes de science, sont dépouillés de leur cruelle splendeur. Cette merveilleuse mécanique, reléguée sur la voie de garage d'une gare de marchandises, est triste et laide sous son hypocrite maquillage de guerre. Elle n'est plus en effet qu'une marchandise, un énorme jouet, grossièrement enluminé et importé d'Allemagne pour l'amusement des badauds parisiens. Et comme ce jouet est monté sur des roulettes, la France, en le traînant de ville en ville, va pouvoir s'en amuser comme une enfant.

Car cette admirable mobilité des canons géants est pour eux une servitude fatale à leur symbolique orgueil. Esclaves du rail, ils sont à la merci de la première locomotive, amie ou ennemie, qui vient les prendre par la main et les conduire dans l'un ou l'autre camp. Ils sont dociles et résignés d'avance : leurs roues sont à l'écartement normal pour passer les frontières et changer de réseaux à volonté ; ils ont des tampons et des chaînes d'attelage tout prêts à s'unir étroitement à ceux d'une modeste machine de nos trains de Ceinture ; ils doivent saluer les disques, obéir à l'aiguilleur, avancer, reculer, se hâter ou stopper au moindre coup de sifflet du plus humble chef de gare de banlieue. Et c'est ainsi que ce monstre arrogant a perdu toute dignité en accomplissant, en pleine bataille, le voyage d'Essen-Amiens-Paris avec cette apparente indifférence et cette choquante servilité.

Heureuse humiliation qui réjouit le philosophe : la civilisation est la plus forte. Le réseau ferré qui, jadis, s'efforçait de nouer entre les peuples de solides et pacifiques liens d'intérêt, n'est pas encore vaincu par la guerre : le rail traverse toujours l'effroyable terre volcanique où la lave bouillonne ; il a pu guider sournoisement ce canon de l'atelier de Krupp à la gare des messageries du Champs-de-Mars. Il l’a absorbé, il l’a enregistré comme un colis et il l'a mis à la consigne. Il y a là une revanche narquoise du labeur créateur sur le labeur destructeur dont l'éloquence est réconfortante. Le filet d'acier des voies ferrées qui enveloppe notre vieille Europe l'empêchera de s'effriter. Il ne sert aujourd'hui qu'à transporter de monstrueux engins de mort : demain, il transportera des idées libératrices dont la force explosive, plus puissante que celle des obus, renversera les dernières murailles qui cachent aux peuples esclaves tout ce qui fait la noblesse et la beauté de la vie ! — .V.  ”

AOÛT 1918
Vendredi 2 L'offensive anglo-française se pousuit ; les Américains repoussent les Allemands.
Lundi 5 Le bombardement de Paris recommence et fait plusieurs victimes.
Mardi 6 La Haute Cour condamne Louis Malvy à 5 ans de banissement.
Mercredi 7 Le général Foch est nommé maréchal de France.
Jeudi 8
  • Attaque franco-britannique à Montdidier. Des milliers de soldats allemands se rendent. Selon Ludendorff : « le Jour noir de l’Armée allemande ».
  • Offensive alliée en Picardie.
  • Échec de La Bataille de l'Empereur.
  • Conquête par les Alliés en une journée d'un territoire de 12 km.
Vendredi 9 En Autriche, Vienne est survolée.
Samedi 10 Les Français occupent Montdidier.
Dimanche 11 Deux des pièces qui tiraient sur Paris ont été détruites par des aviateurs français.
Mercredi 14
  • À Moscou, un triumvirat, composé de Lénine, Trostky et Zinoviev est créé.
  • À Paris, Clemenceau annonce que, depuis le 18 juillet, les Alliés ont pris le plus fort butin fait en un mois depuis le début de la guerre.
Dimanche 18
  • Contre-offensive victorieuse de Foch.
  • Deuxième bataille de la Marne. La victoire change de camp.
  • Les Allemands reculent en Picardie devant l'offensive franco-britannique du 8 août.
  • À Pétrograd, 30 000 arrestations.
Mardi 20
  • Noyon et Bapaume sont reprises.
  • Mustapha Kemal prend la tête de l'armée turque en Palestine.
Mercredi 21 Les Français et les Anglais s'emparent de plusieus localités.
Samedi 24 Le général Debeney adresse un ordre du jour à la première Armée française.
Mercredi 28 Les Anglais progressent dans le Pas-de-Calais et la Somme.
Vendredi 30 En Belgique, les Anglais occupent Drakoune et le Mont Kemmel.
Samedi 31 Les Américains sont en liaison avec les troupes françaises sur tout le front.
RÉFÉRENCES