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LIGNE CORBEIL-ESSONNES - MELUN - MONTEREAU • MONTEREAU

LE DÉRAILLEMENT DU RAPIDE PARIS-MARSEILLE DU 31 MAI 1930

GARE DE MONTEREAU
 
LIGNE 746 CORBEIL-ESSONNES - MONTEREAU • PK 93
 
MONTEREAU (77) • 48° 22' 46.5 N, 02° 56' 34.3  E
 

> Lu dans “ Le Temps ” du lundi 2 juin 1930 (*)

DÉRAILLEMENT D’UN RAPIDE PARIS-MARSEILLE

Le rapide 27, qui quitte Paris à 21 h. 20, à destination de Marseille, a déraillé, la nuit dernière, vers 22 h. 30, au poste 5, à 800 mètres avant la gare de Montereau. La locomotive se coucha sur la voie, le fourgon de tète se brisa et les quatre premières voitures sortirent de la voie ; deux de ces wagons, sous la poussée des autres, furent entièrement détruits. Sur une longueur de cinquante mètres environ, le ballast était arraché, les rails tordus, les traverses brisées. Le fracas de l'accident, puis les cris des blessés furent entendus de la gare de Montereau et les secours furent organisés aussitôt, tandis que les téléphonistes se hâtaient de prévenir la gare du P.-L.-M. à Paris et les chefs des stations les moins éloignées de Montereau. Les gendarmes de cette ville et le personnel du chemin de fer parvinrent à dégager des décombres la plupart des blessés, auxquels des soins furent donnés sur place. Il devint bientôt possible de transporter à la ville, dans des voitures réquisitionnées, et de recevoir à l'hôpital ceux qui semblaient le plus gravement atteints. Pour porter secours aux uns et aux autres, il avait fallu défoncer, avec des outils de fortune, le premier des deux wagons de deuxième classe qui avaient été détruits par le déraillement. De cette première voiture on avait retiré déjà, à 23 h. 30, six morts et une quinzaine de blessés. Cinq heures plus tard ; sept cadavres étaient étendus dans une salle de la gare, une trentaine de blessés avaient déjà reçu des soins et les organisateurs du sauvetage semblaient ne plus craindre qu'il y eût d'autres victimes.

Les premiers secours avaient été dirigés par MM. Kintermann ; Sadrin, commissaire de police ; Zevaès, capitaine de gendarmerie ; Parent, capitaine des pompiers ; Bénard, maire de Montereau. À minuit, par train spécial, arrivèrent MM. Valentin, ingénieur en chef de la traction de la Compagnie P.-L.-M. ; Mugnot, ingénieur en chef de l'exploitation ; Gérin, ingénieur en chef de la voie ; Hugues, inspecteur principal ; Dodin, ingénieur de la traction ; Desalleux, ingénieur de la voie. Vers 1 h. 30 du matin, arrivèrent MM. Garipuy, préfet de Seine-et-Marne ; Castillard, sous-préfet de Provins ; le sous-préfet de Sens ; M. Marque, procureur de la République, et le juge d'instruction de Melun. Le bruit courut que les premiers résultats de l'enquête semblaient permettre de croire à un attentat, en raison de ce fait qu'un de ces chariots à quatre roues qu'on appelle des loris se trouvait sur la voie au moment du passage du train ; c'était en heurtant ce chariot, disait-on, que la locomotive avait déraillé. On ajoutait que l'accident ne pouvait pas avoir été provoqué par l'état de la voie qui était neuve. Mais il semblait prématuré d'accorder crédit à ces premières conclusions qui, du reste, n'avaient nullement été communiquées par les enquêteurs. D'autre part, à la gare du P.-L.-M., d'où une grue et un important matériel de secours avaient été envoyés sur les lieux, le bruit courait, à la fin de la nuit, que l'accident avait été provoqué par un affaissement de la voie, à la suite, peut-être, des pluies. Mais cette explication n'offrait elle non plus aucun caractère officiel.

On signalait aussi, d'autre part, que, à l'endroit de l’accident, la courbe était naguère assez accentuée ; les trains devaient rouler lentement. Mais, depuis un mois et demi, la voie avait été rectifiée et les mécaniciens autorisés — depuis le 16 avril, exactement, — à passer à la vitesse de 90 kilomètres à l'heure. Or le rapide 27 ne roulait qu'à la vitesse de 70 kilomètres. Il semblait donc, d'après les premiers renseignements, qu'on ne dût pas mettre en cause la responsabilité du mécanicien, M. Arsène Chausse, qui a été blessé légèrement ainsi que le chauffeur, M. Robert Schick. Les blessures du chef de train sont beaucoup plus graves.

Trois voies sur quatre étaient obstruées. Un convoi fut formé en avant du poste 5 pour transporter vers Marseille un certain nombre de rescapés. D'autre part un train qui, par suite de l'encombrement, ne put pas arriver jusqu'au lieu de l'accident, avait été envoyé de Paris pour ramener à la gare de Lyon les voyageurs légèrement blessés. Des automobiles attendaient ce matin devant la gare du P.-L.-M., à Paris, pour conduire ces blessés à leur domicile ou, s'il le fallait, jusqu'aux hôpitaux. Un retard de deux heures au moins avait été signalé pour tous les trains devant arriver à Paris dans la matinée ; ces convois ont emprunté une voie unique sur laquelle le trafic avait pu être rétabli à la fin de la nuit.

 

> Lu dans “ Le Temps ” du jeudi 5 juin 1930 (*)

DÉRAILLEMENT DU RAPIDE PARIS-MARSEILLE
(par téléphone, de notre envoyé spécial)

Montereau, 4 juin.

L'ENQUÊTE

L'enquête ouverte par la première brigade mobile s'est poursuivie, aujourd'hui, sur les données d'une déposition faite hier par le conducteur de queue du train 27, M. Protat. Ce dernier avait déclaré aux enquêteurs que, dans le moment où il allait poser les pétards de couverture, il avait rencontré sur le ballast, près du pont du chemin de fer, un homme qui lui avait dit être un agent de voie de Tonnerre et s'appeler Léger. Or, il existait entre la déposition de M. Protat et celle de M. Léger une contradiction flagrante quant à l'heure à laquelle M. Léger fut rencontré. Cette contradiction demandait à être éclaircie.

Convoqué à Montereau, ce matin, M. Léger a été entendu par M. Lalo, commissaire de la brigade mobile. Il a déclaré qu'il avait coutume de se rendre chaque semaine chez sa mère, à Vernou-sur-Seine. Il quitte Tonnerre le samedi, descend du train à Montereau et se rend chez son beaufrère habitant la Grande-Paroisse. Samedi dernier, M. Léger quitta Tonnerre à 20 h. 30 par le train 102 qui arriva à Montereau à 22 h. 30.

Comme il a coutume de le faire, il partit à pied en suivant le ballast. Arrivé au poste I, il vit le train en détresse et parla avec le mécanicien du train 102, celui-là même qu'il venait de quitter et qui se trouvait arrêté au poste I en raison du déraillement. Voyant que sa présence ne pouvait servir à rien, il ne resta que quelques minutes sur les lieux de l'accident et poursuivit sa route.

Sur le pont de Corbeil, a-t-il ajouté, je rencontrai le conducteur du rapide 27, qui me demanda ce que je faisais à cet endroit. Quand j'eus décliné mon identité, ilm'apprit que l'accident avait été provoqué par un lori placé sur la voie. Puis il me demanda de lui donner mon nom, afin que, le cas échéant, je puisse lui servir de témoin.

Ainsi se trouve expliquée la contradiction qui, au premier moment, avait paru suspecte aux enquêteurs.

 

> Lu dans “ Le Temps ” du dimanche 8 juin 1930 (*)

Le déraillement de Montereau. — Les deux terrassiers arrêtés, par la police française, à la gare frontière de Saint-Louis, et que l'on pouvait soupçonner d'avoir pris part à l'attentat de Montereau, ont été remis en liberté, l'enquête ayant révélé qu'ils ne se trouvaient pas à Montereau samedi. Quant à leur compagnon, qui avait échappé aux policiers français mais avait été appréhendé au poste suisse, il a été également relâché.

Le rapport des experts commis par le parquet, MM. Maison, Routier, et Surleau, a été remis hier à M. Milon, juge d'instruction. Il conclurait à un attentat criminel commis par deux hommes au moins. La brigade mobile poursuit son enquête. Elle recherche particulièrement un Espagnol, Garcia Britto, un Italien, Guglielmo Tarino, qui ont brusquement quitté la région au lendemain du déraillement. Un autre ouvrier, Bruno Gumb, 19 ans, originaire de Bichenbach, domicilié à Combs-la-Ville où il occupait une chambre avec un camarade chez Mme Enel, rue du Pas-du-Mulet, a également disparu. Les enquêteurs ont retrouvé son passage à Montereau, Melun, Moret-les-Sablons. Le 28 mai, il cesse tout travail. Il n'en quitte pas moins sa chambre, comme s'il se rendait au chantier. Le 31, il part à 7 heures de Combs-la-Ville. Depuis, on perd ses traces. Bruno Gumb professait des idées extrémistes.

 

> Lu dans “ Le Temps ” du lundi 9 juin 1930 (*)

Le déraillement de Montereau. — L'ouvrier italien Bruno Gump, qui ainsi que nous l'avons signalé, avait disparu de Combs-la-Ville depuis le 27 mai, et que l'on pensait pouvoir être l’auteur de l'attentat de Montereau, a été retrouvé hier après-midi à Sens. Interrogé sur l'emploi de son temps dans la nuit de samedi à dimanche, il a fourni un alibi qui a été reconnu exact. En conséquence, il a été mis complètement hors de cause.

Ajoutons que plusieurs accidents ont failli se produire hier, à la suite de diverses circonstances. Dans la région même de Montereau, une voie s'est légèrement déplacée après le passage de deux trains se dirigeant vers Paris. Les signaux furent fermés et les réparations exécutées sur-le-champ.

Des pierres ayant été posées sur la voie, à 1,500 mètres de la gare de Choisy, une enquête fut ouverte. Les coupables, deux écoliers, Roger Pourlet, 11 ans, 41, rue des Liserons, et André Poulet, 10 ans, 43, même rue, ont été arrêtés. Ils ont déclaré qu'ils avaient voulu voir écraser des cailloux. Ils ont été rendus à leurs parents après avoir été sévèrement réprimandés.

Enfin, la gendarmerie de Tonnay-Charente (Charente-Inférieure) a surpris hier en train de saboter les signaux électriques du chemin de fer de la ligne de Bordeaux à Nantes le marin Pierre Tanguy, 24 ans, qui a été écroué.

RÉFÉRENCE