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LA SITUATION DU RÉSEAU DU NORD PAR PAUL-ÉMILE JAVARY • CHAUNY (AISNE)

 

Ligne détruite après la passage des troupes
 

“ LA SITUATION DU RÉSEAU DU NORD ”
paru dans L’ILLUSTRATION du samedi 25 janvier 1919

“ Nous avons reçu la lettre suivante qui nous nous empressons d’insérer en reproduisant trois photographies qui y étaient jointes. Ce n’est pas une rectification : nous n’avions jamais songé à rendre le Chemin de fer du Nord responsable de l’encombrement des quais de Dunkerque. Mais c’est une mise au point instructive à plus d’un titre. ”

Monsieur le Directeur,

Dans son numéro du 18 courant, L’Illustration a publié, sous le titre : « La crise des transports à Dunkerque », des photographies et une notice visant « une partie des 8.000 caisses de viande salée qui pourrissent sur les quais du port de Dunkerque ».

Ces documents pourraient donner à penser que la responsabilité du Chemin de fer est engagée dans la situation décrite. Or, il n’en est rien.

Il est parfaitement exact qu’il y a 4.800 tonnes de lard à Dunkerque ; il en arrive d’ailleurs toujours : le dernier débarquement est du 17 courant. Mais si ce lard ne part pas ce n’est pas faute de wagons : c’est parce que l’organisme qui en est destinataire au point de vue du transport maritime n’a pas reçu et, si je suis bien renseigné, ne reçoit pas encore les indications suffisantes pour en faire la réexpédition par fer.

Les premiers arrivages remontent au 25 novembre dernier. Je crois bien que personne à Dunkerque ne connaissait la destination du lard en question. Les fonctionnaires locaux du ravitaillement, de l’exploitation du port, du transit maritime, etc., demandèrent avec insistance des instructions pour la réexpédition. Je crains bien qu’elles n’aient mis du temps à leur parvenir et qu’elles n’aient porté que sur des tonnages ne répondant pas à l’allure des arrivages.

En tout cas, si la présence prolongée de ces viandes à Dunkerque a soulevé de la part de tous ces fonctionnaires et de la part de la Chambre de commerce de nombreuses récriminations, jamais aucune d’elles ne s’est adressée au Chemin de fer, tout le monde sachant bien à Dunkerque que le Chemin de fer a toujours fourni et continue à fournir tous les wagons qui lui sont demandés pour les transports du ravitaillement, civil et militaire.

Le Chemin de fer n’est donc pour rien dans l’affaire ; et cela me met bien à l’aise pour ajouter que, s’il y avait été pour quelque chose, il eût été bien excusable.

Dans ce même numéro de L’Illustration, il y a, à la page 65, une carte des régions dévastées. Elle montre que le réseau du Nord a de beaucoup la plus grande part dans la dévastation partielle comme dans la dévastation totale. J’ajouterai, là où la dévastation n’est que partielle que pour les immeubles en général, elle est toujours totale pour le chemin de fer dont l’ennemi n’a, en aucun point, négligé ni un pont, ni un bâtiment, ni une alimentation d’eau, dont il a même détruit les voies courantes sur des centaines de kilomètres.

S’il vous paraît intéressant de donner à vos lecteurs une idée de ces destructions, je joins à cette lettre, à titre d’exemple, quelques photographies de l’état dans lequel l’ennemi nous a laissé nos ponts, nos viaducs, nos grands bâtiments de gares, nos cabines d’aiguilles et de signaux, nos grands dépôts de locomotives, nos alimentations d’eau, etc.

Je tiens à votre disposition, pour le seul réseau du Nord, un peu plus de 1.300 clichés de cette nature, tous visant des destructions distinctes.

Tout détruit qu’il est — et vous voyez comment — ce malheureux réseau a encore trouvé moyen de charger, dans les quatre derniers jours dont j’ai les résultats sous les yeux (du 13 au 16 janvier), en moyenne 10.854 wagons par jour ; il est vrai qu’il n’y en a là-dessus que 5.083 pour les civils, le reste pour les armées.

Et, en sus de ces 10.854 wagons, il en a reçu des réseaux voisins en moyenne 3.963 par jour qu’il a acheminés comme les siens propres ; ce qui, au total, représente un mouvement moyen quotidien de 14.817 wagons chargés.

C’est encore bien quelque chose pour un réseau détruit.

La documentation photographique a donné à L’Illustration des habitudes d’exactitude et de précision telles que, j’en suis persuadé, vous excuserez cette trop longue lettre…

Le Commissaire technique du réseau du Nord,
JAVARY

CARTE SOMMAIRE DES RÉGIONS DÉVASTÉES PARUE DANS L'ILLUSTRATION DU SAMEDI 18 JANVIER 1919
CARTE SOMMAIRE DES RÉGIONS DÉVASTÉES PARUE DANS L'ILLUSTRATION DU SAMEDI 18 JANVIER 1919
LES TÂCHES FONCÉES DÉSIGNENT LES RÉGIONS OÙ LA DESTRUCTION DES IMMEUBLES BÂTIS DE TOUTE NATURE EST DE 50 À 100%
DANS LES RÉGIONS TEINTÉES D'UN POINTILLÉ CLAIR LA PROPORTION DES DESTRUCTIONS D'IMMEUBLES EST INFÉRIEURE A 50%
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