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REVUE DE PRESSE • 1939-1940 • JANVIER 1940

NOTRE MÉTIER (SÉRIE DE GUERRE) • 15 JANVIER 1940 • À MES CAMARADES CHEMINOTS par Raoul Dautry

 

" NOTRE " MINISTRE DE L’ARMEMENT
nous parle
À MES CAMARADES CHEMINOTS
par
Raoul Dautry

“ Au seuil de cette année, une seule volonté doit animer notre Pays, la volonté de vaincre. Tendue dans l’effort, la France ne doit plus être qu’un immense service public, civil et militaire.

Cheminots, un tel service est dans votre tradition. Être prêt et présent à tout moment, faire face aux tâches soudaines et à toutes les tâches, « faire l’heure », le métier du rail, « votre métier » connaît depuis toujours ces mots d’ordre.

Aussi loin que je remonte dans mes souvenirs, ce métier m’a passionné. Enfant, il m’est arrivé d’accompagner dans ses tournées, sur la ligne de Limoges-Montjovis à Aixe, le père d’un de mes camarades. Ce Chef de District, attentif à sa ligne, la connaissait rail à rail, traverse par traverse, comme lui étaient familières les pierres de ses ponts et les barrières de ses passage à niveau.

Adolescent, j’eus l’occasion d’accompagner un vieux chef de section sur la ligne de Limoges à Brive par Uzerche et, ce jour là, j’ai compris ce qu’était la conscience professionnelle.

Homme et cheminot moi-même, j’ai retrouvé ces qualités dans la grande équipe que forment tous les cheminots de France, chacun apportant sa vertu particulière, de l’agent des petites gares à l’ouvrier des grands ateliers, du cantonnier de la voie au mécanicien du rapide, de l’aiguilleur à l’agent de bureau qui trace, ordonne, contrôle ou comptabilise le travail de tous.

De ces qualités, et de plain-pied, vous donnez dans la guerre un nouvel et réconfortant témoignage !

Cheminot de formation et cheminot de cœur, je me réjouis quand je lis dans la Presse des éloges mérités de la tâche que vous avez remplie.

La mobilisation partielle, la mobilisation générale, la couverture, assurées sans incident, des milliers de trains, d’hommes et de matériel, acheminés avec exactitude, des rapides internationaux, 15.000 km-trains quotidiens à la disposition du public. Telle a été votre œuvre et celle de tous vos chefs, en qui j’ai eu le privilège de voir grandir durant dix ans l’une de nos plus belles élites françaises.

Vous connaissant, je prévoyais bien quelle serait la difficulté de votre effort quand la guerre viendrait, j’ai fait tout ce que j’ai pu pour que les voies, les gares, la traction, le matériel roulant ne nous trahissent jamais. Ayant vécu au milieu de vous les dures années de 1914-1918, je n’ai pensé en reconstruisant le Nord avec M. Javary, M. Bréville, M. Tettelin, et en remodelant l’État ensuite, qu’à vous donner un outil puissant et de haut rendement qui puisse vivre des longs mois de guerre avec le moins de personnel possible. Dans les atouts que nous avons en main, les déficiences du Réseau allemand sont un des plus importants. Je ne doute pas que, tels qu’ils sont et avec l’excellence de vos constants efforts, les chemins de fer français répondent aux besoins des Armées et du Pays.

Cet outil manié par vous sera un des éléments de la Victoire, l’Industrie et les Établissements d’État en seront un autre. Ils fournissent, vous le savez, un effort d’adaptation considérable, eux aussi il s’adapteront et se compléteront. Des usines se montent, s équipent, se transforment : elles veulent des matériaux, de l’outillage, des machines. La construction de tel atelier nouveau nécessite pour elle seule la mise en marche de 1.500 trains. Mais ces mines, ces hauts fourneaux, ces usines pour lesquels vous travaillez, ils travaillent pour vous, pour vous fournir charbon, acier, wagons. Aides-les pour qu’ils vous aident.

Et pensez à chaque heure que la fabrication des armes et des munitions exige transports multiples, complexes et d’origine les plus diverses. Qu’une inattention individuelle, qu’un manque de réflexe seulement devant un incident fortuit entraînent un retard dans l’un quelconque de ces transports, et la conséquence en est grave dans un temps où il n’est pas possible d’avoir devant soi de gros approvisionnements de secours. Il suffit de la livraison tardive d’une pièce infime de fusée pour compromettre les efforts de l’aciérie, de l’atelier d’usinage de l’obus, de la laitonnerie, de la poudrerie, de l’atelier de chargement. Vous savez, par expérience professionnelle directe, les répercussions d’un incident sur tous les maillons de la chaîne ; vous connaissez ainsi votre devoir de vigilance, d’imagination, d’initiative pour que jouent sans heurt les courants nouveaux venant s’adjoindre à un régime des transports profondément et soudainement modifié.

Mais cela n’est pas tout ce que je vous demande, mes camarades. En guerre, il n’y a plus de limites à l’effort. Le réseau national est étoilé d’un nombre très important d’ateliers et dépôts, matériel roulant, grands ateliers. Leur outillage doit tourner à plein sans interruption, car en guerre on n’a jamais assez de machines-outils. Il faut utiliser dans ces ateliers toute la main-d’œuvre disponible, main-d’œuvre du Chemin de fer, main-d’œuvre locale. L’Industrie et les Établissements d’État font appel aux très jeunes gens, aux retraités, aux femmes, aux chômeurs, aux réfugiés, aux coloniaux. Vos Établissements doivent effectuer un effort parallèle. Leur répartition dans le Pays se prête remarquablement aux nombreuses initiatives et surtout à l’utilisation de toutes les ressources locales, sans déplacement de main-d’œuvre. Vous êtes déjà entrés dans cette voie. Plusieurs Établissements du Chemin de fer usinent des obus. Ici, on monte certaines pièces d’un nouveau matériel, là, on s’ingénie à trouver un procédé rapide de fabrication d’un projectile de tranchée. Certains ateliers effectuent pour le compte de nos arsenaux des travaux de dégrossissage, des réparations de machines-outils. Ailleurs, vous construisez des cuisines roulantes, des voiturettes, des caisses à munitions. Augmentez sans cesse cet effort avec le souci, la volonté constante de ne perdre ni une minute, ni un homme. La tâche des armements utilise toutes les techniques. Toutes les disponibilités doivent trouver leur emploi. Rivalisez dans chaque région, dans chaque atelier, dans chaque dépôt, pour faire plus et plus vite, comme vous savez rivaliser dans les gares de triage pour débrancher le plus de wagons et dans les ateliers pour diminuer la durée d’inutilisation de machines en réparation.

C’est le privilège des cheminots d’être présents à tous les centres nerveux de la Nation. Des plus vastes centres industriels aux plus humbles hameaux de France, du personnel nombreux d’un grand dépôt au sémaphoriste isolé dans sa campagne, partout le cheminot peut apporter son exemple.

Votre ministre ; M. de Monzie, qui, depuis bien des années, a su vous comprendre et vous aimer, disait un jour : « Ceux qui sont passés par le Chemin de Fer gardent une empreinte indélébile », et, comme on distingue sur le plan intellectuel la discipline littéraire et la discipline scientifique, il distinguait à son tour ce que j’ai si souvent souligné : qu’entre tant de nos disciplines sociales remarquables, il y a une discipline du Chemin de Fer.

C’est parce cette discipline m’a paru répondre hautement, à cette heure, aux exigences françaises, que j’ai voulu vous demander de l’exhausser encore.

Et je vous demanderai maintenant un dernier geste à la fois très humble et très simple : celui d’apprendre à tous à récupérer et à rassembler les ferrailles inutiles. Ce n’est pas à vous qu’il est nécessaire d’apprendre l’efficacité d’un seul geste lorsqu’il est répété des milliers de fois. Comme un atelier bien net, où les machines tournent à plein, et où les ouvriers travaillent à l’aise, la France doit être débarrassée de tout ce qui, acier, fer ou fonte, y traîne inutilement et qui, groupé et refondu, représentera une précieuse richesse pour les industries de guerre. Donnez l’exemple du soin et de la netteté sur vos voies et partout. Un vieux tire-fond, c’est un obus de 20 ou de 25, c’est peut-être un avion ou un tank abattu. Votre Président et votre Directeur Général m’ont donné leur appui. Répondez à notre commun appel.

Que chaque Français soit ingénieux dans son effort. De l’aide commune, matière récupérée, argent, travail, sortira la force de nos armes, invincible.

Mes anciens camarades, faites tout pour l’augmenter. ”

 
NOTRE MÉTIER • 15 JANVIER 1940
Le 11 décembre, à Saint-Dizier, le colonel Kergoat, Directeur des Chemins de Fer au Grand Quartier Général, a remis la Médaille militaire et la Croix de guerre à M. Durckel, Sous-Chef de dépôt à Réding.

UNE BELLE MARCHE DE TRAIN

Le 18 juillet 1939, sur le parcours Marseille-Lyon, le train n°10, composé de 11 véhicules, 544 tonnes de Marseille à Avignon et de 10 véhicules, 487 tonnes d’Avignon à Lyon était remorqué par la machine 231.G-145, conduite par M. Margraf, Mécanicien de route assisté de M. Champalay, Chauffeur de route, du dépôt de Lyon-Mouche.

Sur le parcours Marseille-Lyon, ce train a réalisé une vitesse commerciale de 84,600 km/h. (vitesse moyenne de pleine marche : 96 km/h) regagnant 65 minutes de retard (49 minutes de retard initial, 16 minutes pour observation des ralentissements et des signaux) et arrivant exactement à l’heure au terminus.

Édition du 6 janvier 1940

CHEMINS DE FER ALGÉRIENS

L’« Officiel » publie le décret suivant :

Article premier — Les tableaux de service et de roulements du personnel des Chemins de fer algériens seront établis pendant la durée des hostilités suivant les instructions de la commission du réseau algérien. Ces instructions devront s'inspirer des règles suivantes :

A. — Dispositions communes à tous services

Les repos périodiques sont attribués à raison d'un repos en moyenne par sept jours du calendrier.

B. — Personnel roulant

L'un des deux types de régime de travail suivant pourra être adopté.

Premier régime : dix heures de travail dans l'amplitude de quinze heures au maximum. Dans le travail sont compris les travaux accessoires au départ et à l'arrivée et les trajets HLP sur les machines mais non les coupures et les trajets HLP affectés dans les trains. Toutefois si la durée des trajets HLP dans les trains dépasse deux heures au cours d'une journée de travail, l'excédent sur les deux heures est compté pour la moitié dans la durée de travail.

Repos minimum : douze heures à la résidence et huit heures hors la résidence.

Durée minimum du repos périodique : trente-six heures.

Nombre maximum de jours de travail entre deux repos périodiques : dix.

Deuxième régime : double équipe, l'une des équipes se reposant dans un wagon aménagé pendant que l'autre assure le service.

C. — Personnel sédentaire

a) Agents effectuant un travail absorbant et effectivement ininterrompu : dix heures de travail dans une amplitude de douze heures maximum.

b) Agents autres que les précédents notamment les agents de chantiers, manœuvres et manutention, postes, aiguillage de postes sémaphoriques, lorsque leur service comporte une période d'inaction : douze heures de travail dans une amplitude de quinze heures maximum.

D. — Gardes-barrières

a) Service continu : douze heures de présence maximum.

b) Service discontinu : seize heures de présence au maximum, les ouvertures de nuit étant assurées par des personnes logées dans la maison.

Art. 2. — Sauf autorisation du service chargé du contrôle du travail des agents de chemins de fer en Algérie, les dispositions ci-dessous ne pourront avoir pour effet de porter la durée normale de travail des enfants âgés de moins de dix-huit ans élèves et apprentis, et des femmes à plus de dix heures par jour, ni à plus de soixante heures par semaine, sauf le service de concierges, gardes-barrières et gérantes de halte.

Art. 3. — Le service chargé du contrôle du travail des agents des chemins de fer en Algérie, pourra autoriser des dérogations permanentes aux régimes de travail définis aux articles 1 et 2 dans des cas justifiés par la nécessité du service.

Art. 4. — Les agents des chemins de fer algériens ne peuvent en aucun cas et sous aucun prétexte, invoquer la prolongation de la durée de leur service ou la modification de la répartition habituelle du service ou la réduction de leur repos pour abandonner leur poste ou refuser le service qui leur est commandé.

Art. 5. — Les heures supplémentaires faites au delà des durées maxima stipulées à l'article premier seront rétribuées lorsqu'elles n'auront pas pu être compensées dans les conditions fixées par l'arrêté du gouverneur général de l'Algérie.

Édition du 13 janvier 1940

CARNET — DEUILS

— Nous apprenons la mort, survenue le 9 janvier, en son domicile, 42, rue de la Bienfaisance, à Paris, de M. Alfred Mange, directeur général honoraire et président du conseil d'administration de la Compagnie du Chemin de fer d'Orléans, président de l'Union internationale des Chemins de fer, commandeur de la Légion d'honneur.

Appelé à la direction de la Compagnie d'Orléans en 1914, M. Alfred Mange a occupé cette fonction jusqu'en 1927. Au cours de cette période, il a joué un rôle de premier plan dans l'exécution des transports de la guerre, en particulier de ceux de l'armée américaine, puis, la paix signée, dans l'établissement du nouveau régime des chemins de fer. C'est également sous sa direction qu'a été commencée l'électrification du réseau d'Orléans. À la fondation, en 1922, de l'Union internationale des Chemins de fer, M. Alfred Mange fut élu comme président de cette organisation. Cette marque de confiance lui avait été renouvelée depuis sans interruption, tant étaient grandes l'autorité et la sympathie dont il jouissait auprès des dirigeants de tous les chemins de fer étrangers.

Il était le père de M. Michel Mange et de Mme Jean Tuja.

Suivant la volonté du défunt, les obsèques ont été célébrées dans la plus stricte intimité.

VALMONT

Édition du 17 janvier 1940

BLOC-NOTES - TOUT S’USE

Si l'on en croit des rapports transmis de Berlin à New-York, les autorités ferroviaires du Reich auraient informé le gouvernement nazi qu'elles déclinaient toute responsabilité au sujet de futures catastrophes de chemin de fer, si le matériel nécessaire n'était pas mis immédiatement à leur disposition pour remplacer les équipements complètement usés et tout le système de rails.

Ainsi les tragiques accidents de chemin de fer qui, récemment, à Friedrichshafen et à Genthin ont causé la mort de plus de 300 voyageurs, sont imputables non à des actes de sabotage mais au mauvais état des voies ferrées allemandes.

Et le gouvernement nazi est d'autant plus alarmé de ce lamentable état de choses qu'il a besoin plus que jamais de ses chemins de fer pour le transport de ses troupes.

Édition du 18 janvier 1940

600.000 cheminots anglais
enrôlés dans le service de contre-espionnage
à la suite de la découverte d'un complot nazi
tendant à saboter les réseaux de chemin de fer

LONDRES, 17 janvier. — Plusieurs journaux du matin signalent qu'on a découvert un complot du service d'espionnage allemand pour le sabotage des ponts de chemin de fer et des voies des grands réseaux britanniques.

Des mesures rapides ont été prises pour riposter aux espions et aux agents nazis chargés d'exécuter les ordres allemands.

Un document secret a déjà été adressé à tous les chefs de service des chemins de fer, les avertissant des méthodes que les saboteurs peuvent se proposer d'appliquer et précisant les mesures défensives.

On enrôle les 600.000 cheminots de Grande-Bretagne dans le système de contre-espionnage. À partir de maintenant, ils monteront une garde rigoureuse pour découvrir tous les faits suspects. Des contre-mesures ont été appliquées dès qu'on a eu vent de l'activité nazie et d'autres mesures importantes sont attendues à bref délai.

Sous le titre « Méfiez-vous des saboteurs. Les chemins de fer sont avertis », le News Chronicle affirme entre autres que les chefs d'îlots de la défense anti-aérienne n'ont le droit maintenant de faire des rondes le long des voies ferrées pour vérifier si des fenêtres mal masquées ne brillent pas près des voies que s'ils sont accompagnés d'un employé de chemin de fer.

Par ailleurs, selon le même journal une enquête de trois jours a prouvé qu'un incendie qui s'était déclaré une nuit aux usines de locomotives de Crewe n'est pas dû à un sabotage.

Édition du 26 janvier 1940

LA GRANDE PITIÉ DES CHEMINS DE FER DU TROISIÈME REICH

Il fut un temps où l'Allemagne s'enorgueillissait, à juste titre du reste, de posséder un des plus beaux réseaux ferrés du monde et un des parcs les plus modernes et sans cesse renouvelé, de locomotives et de wagons. À cette époque — qui n'est pas si lointaine — la Reichsbahn était en progrès constants. Tels les chemins de fer américains, elle faisait rouler les grands express internationaux — le rapide Paris-Berlin, par exemple — sur des rails de 60 mètres de longueur coulés d'une seule pièce. La sécurité de son trafic atteignait au maximum et était réputée. Et dans les congrès internationaux de chemins de fer, les communications des ingénieurs et grands techniciens du Reich étaient écoutées et étudiées avec tout le soin qu'elles méritaient.

Aujourd'hui — ô symbole de l'Allemagne hitlérienne ! — nous assistons à la décadence de ce réseau ferré. Les catastrophes ferroviaires se multiplient. En l'espace de vingt semaines de guerre, quatorze accidents graves — sans compter les accidents locaux — se sont produits. La Deutsche Allgemeine Zeitung, l organe de la grosse industrie allemande, écrit que « la capacité de rendement de la Reichsbahn est dépassée ». L 'Allemagne utilise les wagons de troisième classe pour le transport des marchandises et elle supplie tour à tour la Yougoslavie, la Roumanie et la Belgique — qui refusent— de lui prêter 10.000 wagons.

À quoi tient cette décadence ? Quelles sont ses causes ? N'est-elle pas parallèle à la décadence de l'Allemagne sous le régime du bolchevisme brun ?

Un réseau usé

La pure et simple vérité qui ressort des faits quotidiens illustrant sept années de régime hitlérien, c'est que la Reichsbahn, depuis l'avènement du Troisième Reich, a quitté la voie normale de son développement pour suivre la route de l'aventure et de la politique à courte vue. Depuis que Hitler et Goering règnent à Berlin, le réseau ferroviaire allemand a reçu une série de coups qui ont mis en péril jusqu'à son existence.

Les Allemands ont-ils assez répété que « l'œuvre maîtresse » de Hitler fut le réarmement du Reich envers et contre tous ! Ce réarmement et les forces qu'il a accaparées pour les stériliser porte maintenant ses fruits sur les chemins de fer en particulier. Grâce à « l'œuvre maîtresse » du Führer, le trafic des chemins de fer, de 1933 à 1937, a augmenté de 62 % sur 1932. Mais pendant ce temps, le matériel plus éprouvé que jamais, soumis à un rendement intensif n'a pas été remplacé. L'âge de réforme des voies ferrées a été prolongé. L'âge moyen des parcs de wagons et de locomotives était, en 1937, de 21 ans, tandis que le nombre des wagons avait diminué de 10 %. Aujourd'hui, la situation a encore empiré !

Une conséquence du réarmement à outrance fut la migration des campagnes vers les villes. On a compté que 800.000 personnes environ — sans tenir compte du déplacement des juifs dans le district de Lublin et des Baltes allemands en Pologne occidentale — prirent part à ce mouvement de transplantation.

Wilhelmshaven, Hambourg et Berlin ont subi une telle augmentation de leur population, qu'il a fallu interdire la migration vers ces villes et qu'il a été nécessaire de construire de nouvelles voies ferrées dans ces régions pour le transport des ouvriers et des marchandises vers les usines agrandies ou nouvellement construites. La ville de Brunschwig a vu sa population augmenter de 34 %. Et en Allemagne occidentale, dans la région de Halle — celle des grandes industries chimiques — le trafic a presque doublé, tandis que ne cessait de diminuer le nombre des wagons.

Le coup de grâce

La situation des chemins de fer était donc très compromise quand Hitler ordonna la construction de la ligne Siegfried. Un an durant, huit mille wagons, chaque jour, prirent la route de l'Ouest, transportant des masses d'hommes, de ciment, de fer et d'armements. Cela représentait 4,5 % du tonnage quotidien des wagons allemands. Au milieu de 1939, le nombre des tonnes transportées et le nombre de kilomètres parcourus étaient de 30 % plus élevés qu'en juin 1938. Mais pas un seul wagon n'avait été renouvelé et le nombre des voitures continuait à diminuer.

C'est alors — au milieu de 1939 — que les chefs nazis comprirent le péril qui menaçait leur économie fermée. Une série de mesures fut prise. Les employés des chemins de fer âgés de plus de soixante-cinq ans, se virent retirer le droit à la retraite. Des femmes furent embauchées pour remplacer dans les bureaux les hommes mobilisés à tout instant, Le nombre des kilomètres à parcourir quotidiennement, tant pour le personnel que pour le matériel, fut augmenté. De nombreux trains express furent supprimés. En même temps, le transport des marchandises était ralenti.

Ceci fait, les nazis voulurent passer à la réorganisation de la Reichsbahn. Ils élaborèrent un programme monstre comportant la construction de 6.000 locomotives, le 10.000 wagons de voyageurs, de 112.000 wagons de marchandises et de 17.000 camions-autos. (Quand elle demande à la Belgique de lui prêter 10.000 wagons, l'Allemagne fait donc presque de la mendicité.) La mise en route du programme devait avoir lieu en 1940 et ces fabrications devaient être achevées fin 1943. Le programme avouait une dépense de 3 milliards et demi de marks. En plus, 10 milliards devaient être affectés à la réparation des wagons et locomotives, à la construction de nouvelles gares et voies ferrées et au développement de la sécurité.

Mais ce fut la guerre et le programme ne peut être exécuté. Mieux encore : les déplacements formidables de troupes en Pologne, puis sur le Rhin, le ravitaillement de l'armée, la fabrication continue de matériel de guerre et son transport, continuent à précipiter la décadence de la Reichsbahn — victime du régime hitlérien. N'en doutons plus :le temps travaille contre l'Allemagne hitlérienne.

J.-P. D.

Édition du 18 janvier 1940

COMMUNIQUÉ DE LA S.N.C.F.

La Société nationale des chemins de fer attire l'attention sur les difficultés de traction inévitables qu'apporte notamment dans son exploitation la période actuelle des grands froids.

Comme il ne peut être question de freiner les transports de marchandises indispensables soit aux besoins militaires, soit à la bonne marche des usines travaillant pour la défense nationale, les restrictions doivent porter sur les transports de voyageurs.

Actuellement, le chemin de fer n'est plus en mesure, en cas d'affluence de voyageurs, de mettre en marche des trains dédoublés comme il le faisait en temps de paix et jusqu'à ces dernières semaines.

La Société nationale des chemins de fer demande donc aux voyageurs civils, pendant cette période, d'éviter les voyages qui ne sont pas indispensables et les remercie à l'avance de rendre ainsi plus facile l'exécution de son service.

RÉFÉRENCES