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AUTOUR DE NÎMES • PAULIN TALABOT (1799-1885)

PAULIN TALABOT (1799-1885)

PAULIN TALABOT

Avec des routes, des chemins de fer,
des canaux, des boulevards et des rues,
ils ont écrit leur doctrine sur le sol.
Émile Péreire.

Paulin Talabot naquit à Limoges en 1799. Sorti de l’École Polytechnique dans le corps des Ponts et Chaussées, il est d’abord affecté comme Ingénieur à l’arrondissement de Brest, puis occupé à Decize à la construction du canal latéral à la Loire.

En 1829, le maréchal Soult l’appelle à la direction des travaux du canal de Beaucaire. De Nîmes, où il réside, Talabot va explorer les mines de la Grand’Combe. À voir leur exploitation paralysée faute de moyens de transport, l’idée lui vient d’appliquer au développement de l’extraction, les méthodes que l’ingénieur Beaunier et les frères Seguin inauguraient alors avec tant de succès dans la région de Saint-Étienne. Il part aussitôt, visite l’Angleterre avec son ami George Stephenson (1) et, dès son retour, en 1830, forme une société d’études.

L’opération telle qu’il la conçoit comprend deux parties solidaires : l’acquisition des mines et la construction d’un chemin de fer qui transportera jusqu’à Beaucaire, d’où le Rhône les descendra sur Marseille, les houilles du bassin d’Alais.

L’année suivante, Talabot est en mesure de remettre l’avant-projet au conseil général des Ponts et Chaussées.

Sans attendre les conclusions de cette assemblée, il cherche et sait trouver des collaborateurs : à Marseille, deux des notabilités du commerce de cette ville, MM. Veaute et Abric ; à Nîmes, un vétéran des grandes guerres, nommé Mourier, qui, depuis la chute de l’Empire, avait réalisé une fortune dans les entreprises de travaux publics. Pour la conduite des travaux, il fait appel à un camarade d’école, Didion, comme lui fervent adepte du saint-simonisme, ami d’Enfantin, des Pereire et de Michel Chevalier.

L’enquête officielle dure deux ans.

Enfin, le 29 juin 1833, la ténacité d’Odilon Barrot à raison de la résistance de Thiers (2), et une loi approuve l’adjudication prononcée au profit de Talabot, Veaute, Abric et Mourier.

Bien que patiemment et soigneusement étudiée, l’entreprise eut des débuts difficiles. Les concessionnaires, après trois années d’efforts et malgré le concours du baron James de Rothschild, n’avaient réuni que le tiers du capital nécessaire à la construction de la ligne. Talabot dut solliciter l’aide pécuniaire du Gouvernement. Un projet de loi présenté à la Chambre et défendu par Berryer ne passa, le 26 juin 1837, qu’à trois voix de majorité : l’État prêtait, à 4 %, 6 millions remboursables en douze annuités ; de leur côté, les concessionnaires s’engageaient à fournir pendant quatorze ans, pour les services de l’État dans la Méditerranée, de la houille à 20 % au dessous des prix appliqués au service des bâtiments à vapeur du port de Toulon.

Le 27 juillet suivant, MM. Jules, Léon et Paulin Talabot, Veaute, Abric, Mourier, Fraissinet et Roux, Jean Luce, J. Ricard, Thérond, Delort et Fournier frères signaient les statuts de la Société constituée pour l’exploitation des mines de la Grand’Combe et l’exécution des chemins de fer du Gard, au capital de 16 millions, dont 6 millions souscrits par la maison Rothschild.

Didion poussa si activement les travaux que la première section — Nîmes à Beaucaire — put être ouverte le 15 juillet 1839, jour de l’ouverture de la foire de Beaucaire. L’inauguration officielle eut lieu le 25, « aux applaudissements d’une population innombrable et sans que le moindre accident ait troublé cette fête. Toutes les principales autorités du département et les habitants notables du pays y avaient été convoqués et y assistaient. Un convoi de dix-huit voitures, où étaient commodément placées cinq cents personnes des deux sexes, suivi de la musique du 49e de ligne et dirigé par les ingénieurs Talabot et Didion, fit le trajet de Nîmes à Beaucaire, qui a 24.400 mètres, en trente-six minutes, et en quarante minutes au retour. Voyageurs et spectateurs, tous ont été dans l’admiration d’un aussi puissant et aussi merveilleux moyen de transport pour la prospérité et la satisfaction des besoins du pays (3) ». Un poète chanta :

C’est la locomotive haletante et coquette !
Un doux parfum se mêle à ses blanches vapeurs…
Laboure, ô char de l’abondance,
Et nos plaines et nos vallons.
Ta fumée est une semence
Qui fertilisera nos sillons !

Vapeur odorante, fumée fertilisante… poète et charbon étaient du Midi.

L’ouverture de la seconde partie du tracé, retardée par dix-huit crues successives du Gardon qui gênèrent l’achèvement du pont de Ners, le principal ouvrage de cette section, et faillirent même l’emporter dans l’hiver de 1839, n’eut lieu que le 1er août. Le dernier tronçon, d’Alais à la Grand’Combe, fut livré à la circulation en 1841.

La ligne d’Alais à Beaucaire est le « premier exemple d’un chemin de fer établi sur un type qui depuis n’a plus varié (4) ».

 
PAULIN TALABOT (1799-1885)
PAULIN TALABOT
(1800-1885)
OUVERTURE DU CHEMIN DE FER
DE LA GRAND'COMBE À BEAUCAIRE
1837
BUSTE EXPOSÉ EN GARE DE NÎMES
 
 
(1) « Dites-moi, Talabot, lui dit un jour Stephenson, où avez-vous appris l’anglais ? — Je l’ai appris tout seul, en lisant Shakespeare. — Ah ! C’est donc pour cela que vous parlez l’anglais de la reine Elisabeth ! »
 
(2) Thiers déclarait publiquement que les chemins de fer, bon tout au plus à « remplacer les coucous dans la banlieue », n’auraient jamais d’application pratique ; que leur construction était plutôt une question d’amusement scientifique que d’utilité réelle ; qu’à peine pourrait-on établir chaque année 40 kilomètres de voie ferrée.
 
(3) Moniteur Universel du 22 juillet 1839.
 
(4) Discours prononcé par M. G. Noblemaire aux obsèques de Paulin Talabot.
RÉFÉRENCE