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REVUE DE PRESSE • 1939-1940 • NOVEMBRE 1939

NOTRE MÉTIER (SÉRIE DE GUERRE) • 15 NOVEMBRE 1939 • NOTRE MÉTIER EN TEMPS DE GUERRE par Robert Le Besnerais

 

NOTRE MÉTIER en temps de GUERRE
par
Robert Le Besnerais
Directeur général

“ Voici dix-huit mois paraissait le premier numéro de « Notre Métier » : il promettait de vous entretenir de la vie de la S.N.C.F. et de vous mettre au courant de ses efforts, de ses résultats, de ses espoirs, de ses difficultés aussi.

« Notre Métier » a tenu aussi ses promesses, si j’en juge par la faveur que lui ont témoignée les agents de tous grades.

Cette faveur, ils la lui témoigneront davantage encore en temps de guerre alors que déjà, obéissant à leurs sentiments innés de solidarité, ils s’emploient — de tout leur cœur — à soulager bien des peines, notamment celles des familles, aussi bien de leurs camarades mobilisés aux Armées, que ceux qui ont dû se replier en province.

« Notre Métier » continuera à vous entretenir de notre belle profession, mais également, en montrant à l’œuvre tant de dévouements agissants, donnera à tous les cheminots, de l’avant comme de l’intérieur, de nouvelles preuves de la fraternité qui les anime tous.

Bien que paraissant sous un format réduit — car les circonstances exigent la recherche de toutes les économies — « Notre Métier » restera chaque mois le trait d’union entre tous les membres de la même profession, fier notamment d’en porter les échos à « ceux du front » avec lesquels — donnons leur en l’assurance — nous communions tous par la pensée. ”

 
NOTRE MÉTIER • 15 NOVEMBRE 1939

LE RAIL AU SERVICE DE LA DÉFENSE NATIONALE

La S.N.C.F. a dû faire face à un trafic particulièrement intense pendant la période qui a immédiatement précédé et suivi la mobilisation générale. Dès la période de tension politique, elle a dû assurer d’importants mouvements de voyageurs : réservistes rejoignant leurs Corps, familles quittant en hâte leurs villégiatures d’été, enfants évacués de la Région Parisienne et de celle de l’Est.

Malgré les invitations pressantes du Gouvernement, ce n’est guère qu’à partir du 1er septembre que la population parisienne s’est décidée à quitter la capitale ; le public a été avisé que les trains du service régulier continueraient à circuler jusqu’au 2 septembre à midi ; en fait, ils ont subsisté jusqu’à la fin de la journée sur la presque totalité du territoire.

Le nombre de voyageurs a été, en effet, particulièrement important le 2 septembre, où l’une des gares de Paris a assuré, à elle seule, le départ de plus de 70.000 voyageurs à grande distance et de 200 tonnes de bagages soit, environ, 2 fois et demi le trafic habituellement enregistré le jour le plus chargé de l’année.

Au total, 1 million et demi de voyageurs furent évacués pendant la période du 24 août au 15 septembre.

Ces transports d’évacuation sont, malgré tout, peu de chose en comparaison des transports militaires qui, commencés dès avant la mobilisation, ont pris progressivement de l’ampleur jusqu’à nécessiter, pendant plus de huit jours consécutifs, la mise en marche journalière de quelques 500 trains sur des parcours atteignant et dépassant, dans certains cas, 1.000 km.

Le volume de ces transports pendant la période la plus chargée de la concentration peut être évalué au triple du trafic moyen marchandises assuré en temps normal par la S.N.C.F. ; les courants sur lesquels ce trafic a dû être acheminé étaient d’ailleurs, en général, très différents de ceux qu’emprunte le trafic du temps de paix et l’effort à fournir retombait bien souvent sur des établissements (gares et dépôts) qui ne jouent qu’un rôle secondaire en trafic commercial et auxquels il a fallu fournir les moyens d’action nécessaires en personnel et machines.

À cet effet, les machines garées, dont la S.N.C.F. n’avait pas l’emploi normal dans l’état actuel du trafic, avaient été dégarées en temps voulu et remises en état de circuler ; de plus, pour pouvoir assurer les trains militaires, le service des trains de voyageurs et de messageries a été réduit à partir du deuxième jour de la mobilisation, conformément aux dispositions arrêtées dès le temps de paix ; le service des trains rapides et express était même a peu prés suspendu. L’acceptation des transports en petite vitesse autres que ceux d’intérêt national était également suspendue.

Malgré ces restrictions de trafic, le service de certains établissements a été des plus chargés : un dépôt a enregistré, dans une seule journée, 400 entrées ou sorties de machines ; un autre a chargé, en 24 heures, 600 tonnes de charbon sur les machines ; ces chiffres sont de 30 % supérieurs à ceux qui correspondent au trafic normal des établissements dont il s’agit.

Bien que l’acheminement des transports ait été réparti au mieux sur l’ensemble du réseau de la Société Nationale, il a néanmoins affecté plus particulièrement un certain nombre de lignes qui ne sont pas toujours les plus chargées du temps de la paix. Sur telle ligne, on a noté jusqu’à 145 trains de même sens en 24 heures, soit une moyenne d’un train toutes les 10 minutes ; sur telle autre ligne, 75 trains ont circulé en une seule journée, alors qu’il n’en passe que 7 en temps normal ; d’autres ligne encore étaient complètement fermées par application des mesures de coordination, mais leur réouverture était prévue d’avance pour le cas de mobilisation générale.

L’exécution des transports s’est effectuée dans d’excellentes conditions, grâce aux dispositions minutieusement prévues dès le temps de paix, grâce aussi au dévouement dont le personnel de tout grade a fait preuve dans ces circonstances. Notons, en passant, qu’un pourcentage appréciable de ce personnel avait été mobilisé aux Armées dès le premier jour.

Les agents non mobilisés n’ont ménagé ni leur temps, ni leur peine pour mener à bien la tâche qui leur était confiée. C’est par centaines qu’on pourrait citer les Inspecteurs, les Chefs de dépôt, les Chefs de gare, les Mécaniciens, les Aiguilleurs, les Hommes d’équipe qui sont restés sur la brèche pendant des jours et des nuits consécutifs, ne prenant que quelques instants de repos lorsque les circonstances le permettaient.

La nouvelle structure des chemins de fer français qui avait réalisé l’unité de commandement et la mise en commun des ressources des anciens grands réseaux a, de son côté, favorisé, dans une large mesure, la bonne exécution des transports stratégiques.

Pendant toute la période de mobilisation et de concentration, la Commission Centrale de la S.N.C.F. a rassemblé les renseignements concernant la manière dont les transports stratégiques s’effectuaient sur l’ensemble du territoire ; tenue au courant des difficultés qui pourraient se produire en un point quelconque, elle intervenait immédiatement en toute connaissance de cause.

C’est elle qui assurait la répartition du matériel entre les Régions, de manière que les embarquements militaires puissent s’effectuer sans aucun retard ; elle surveillait la régularité de la circulation et prescrivait des détournements de trains lorsque des encombrements étaient à craindre ; disposant enfin de l’ensemble des ressources en personnel et en machines, elle fournissait en temps voulu les renforts nécessaires en faisant aider les Régions les unes par les autres.

Finalement, grâce à son organisation centralisée, grâce aux dispositions arrêtées dès le temps de la paix, et grâce au dévouement de tout son personnel, la S.N.C.F. a pu assurer les transports de mobilisation et de concentration d’une manière à peu près impeccable qui, nous l’avons vu, lui a valu les remerciements et les félicitations des plus hautes autorités civiles et militaires.

CITATIONS À L’ORDRE DE LA S.N.C.F.

M. DURCKEL, S-Chef de dépôt à Reding :

Le 25 septembre 1939, lors de la conduite d’un train spécial, cet agent, père de 5 jeunes enfants, ayant remarqué un avion militaire français qui venait de s’abattre en flammes à 200 mètres environ de la gare de S…, fit arrêter le convoi et se rendit immédiatement sur le lieu de la chute. Il fut assez heureux pour trouver un accès à la carlingue d’où il put retirer un officier qui, sans son aide, aurait péri carbonisé. Aidé de quelques agents, il donna des soins à l’officier et aux deux autres membres de l’équipage. Les aviateurs furent ensuite transportés jusqu’au train où un médecin militaire les rejoignit : les trois blessés furent conduits jusqu’à la gare de S… et remis à une ambulance militaire qui avait été alertée.

Il y a lieu de noter que l’avion abattu était poursuivi par trois avions ennemis volant à basse altitude et que les sauveteurs risquaient à tout instant de se faire mitrailler.

...

1er NOVEMBRE 1939

INFORMATIONS
LA REPRISE DES TRANSPORTS SUR LA S.N.C.F.

TRANSPORTS DE MARCHANDISES

En septembre 1939, grâce notamment au fait que, contrairement à ce qui s'était passé en 1914, aucune partie du territoire français n'a été envahie, la S. N.C.F. a pu accélérer d’une façon extrêmement sensible la reprise du trafic commercial après la période de concentration.

Conformément aux instructions prévues dès le temps de paix, en plus des transports militaires, tous les transports dits « d'intérêt national » prévus au plan de mobilisation et intéressant soit la défense nationale, soit l'approvisionnement du pays, ont été maintenus dès le 2 septembre et ont été exécutés normalement sans interruption depuis cette date. Le public a d'ailleurs pu constater que l'approvisionnement des grandes agglomérations telles que Paris s'est effectué sans aucune restriction.

En outre, dès le S septembre, certaines expéditions commerciales ont été autorisées :

  • colis postaux,
  • colis agricoles,
  • denrées de consommation courante,
  • journaux,
  • vins.

Le 10 septembre, ces acceptations ont été étendues aux petits colis contenant des produits pharmaceutiques, aux animaux vivants, aux papiers à journaux.

Enfin, par étapes successives, la S.N.C.F. est arrivée à la situation que précise l’Avis au Public paru dans les journaux le 25 septembre :

« À partir de cette date, sont acceptés les colis express sur certaines relations ; les animaux vivants, les messageries par wagons complets ou par expéditions de détail ne dépassant pas 100 kg ; les envois en petite vitesse de marchandises de toute nature par wagons complets. Restent seuls interdits les transports de détails en petite vitesse et les transports de détail de messageries de plus de 1OO kg, ainsi que certains transports par wagons complets à destination de la Région Est, en raison des nécessités militaires ».

Le 9 octobre 1939, la S.N.C.F. acceptait d'assurer les transports commerciaux en général, en provenance et à destination des gares des Régions Nord, Ouest, Sud-Ouest et Sud-Est, ainsi que les transports de ou pour les gares de la Région Est se trouvant sur ou à l'ouest de la ligne : Laon, Reims, St-Hilaire au Temple, Châlons-sur-Marne, Blesme, St-Dizier, Joinville, Chaumont, Culmont-Chalindrey et Is-sur-Tille, à l'exception, toutefois, des colis et expéditions « express » qui ne sont acceptés que sur les relations désignées par les Régions.

À la même date, les gares de la Région Est situées entre la ligne précitée et la ligne jalonnée par les gares d’Audun-le-Tiche, Fontoy, Hayange-Algrange, Thionville, Metz, Benestroff, Sarrebourg, Saverne, Steinbourg, Obermodern, Mommenheim, Vendenheim, Kœnigshoffen, Graffenstaden, Sélestat, Colmar, Ensisheim, Bollwiller, Mulhouse, Blotzheim-Neuweg, pouvaient recevoir et expédier :

  • les colis postaux sans valeur déclarée,
  • les petits colis à l'exception des colis express,
  • les colis agricoles,
  • les envois en grande vitesse de toute nature,
  • les animaux vivants,
  • les pots à lait vides en retour ou allant au remplissage,
  • les emballages, les fûts en bois et métalliques, les sacs vides ayant servi à des envois de journaux, les wagons citernes vides en retour d'expéditions par fer effectuées depuis le 2 septembre 1939,
  • les envois en petite vitesse, par wagon complet ou par expédition d’au moins 4 000 kg des marchandises taxées aux conditions des tarifs P.V. N°3 et N°4, de betteraves, de sucres bruts ou raffinés (P.V. N°5), de la bière en fûts, du cidre en fûts, des vins en fûts et des eaux minérales (P.V. N°6) des bois à brûler, bois de boulange et charbon de bois (P.V. N°9), des argiles (P.V. N°12), des papiers communs à journaux (P.V. N°19) des cotons brut et déchets de coton, de laine brute, tissus (P.V. N°20), des amendements, engrais et gadoues (P.V N°22).

La priorité à réserver aux transports militaires et aux transports d'intérêt national pourra évidemment, à certaines époques ou en certains points, amener des restrictions ou des retards dans la fourniture des wagons.

Mais, d'ores et déjà on peut dire qu'un mois après la déclaration de guerre et malgré l’importance formidable des transports militaires que le chemin de fer a eu à assurer, notre réseau national aura rétabli à peu près complètement la liberté du trafic commercial.

TRANSPORTS DE VOYAGEURS

Limité tout d’abord aux trains omnibus et aux quelques trains à marche accélérée prévus au plan des transports stratégiques, le service des voyageurs a pu être amélioré dès les premiers jours de la mobilisation, ce qui n’avait pu être réalisé en 1914.

C’est ainsi que, le 6 septembre, le train express Paris-Saint-Étienne a été prolongé sur Lyon ; le 8 septembre, deux relations quotidiennes ont été créées par trains express sur chacune des lignes : Paris-Le Havre, Paris-Cherbourg, Paris-Brest, Paris-Nantes – St-Nazaire-Quimper et, le 14 septembre, deux relations (une de jour, une de nuit) sur chacune des lignes : Paris-Bordeaux et Paris-Toulouse. Enfin, à partir du 17 septembre de nouveaux trains express ont été créés entre Paris et Marseille, Nantes et Bordeaux, Paris et Rennes, Paris et Nantes, Paris et La Rochelle, Paris et Royan et vice versa.

D'autre part, dès la fin de la période de concentration la S.N.C.F. a étudié et réalisé très rapidement, pour le mettre en application au 2 octobre, un service de trains de voyageurs réduit certes, mais cohérent et permettant d’assurer sur toutes les lignes importantes des relations convenables et de bonnes correspondances avec les trains des lignes transversales.

Parallèlement, pour mettre la tarification en harmonie avec le service réduit correspondant à l'état de guerre, la S.N.C.F. a fait approuver par M. le Ministre des Travaux Publics la suspension de l'application d’un certain nombre de tarifs réduits créés pour faciliter les voyages de tourisme et d'excursion : billets à validité prolongée pour stations balnéaires, thermales, climatiques et de sports d’hiver, billets de fin de semaine, billets de groupes, billets « bon dimanche », tarif des trains spéciaux de pèlerinage, billets populaires de congés annuels et de loisirs agricoles.

En fait, la S.N.C.F. a maintenu les tarifs d'aller et retour, les tarifs applicables aux familles nombreuses et aux réformés de guerre, les abonnements (abonnements ordinaires, abonnements de travail, cartes donnant droit au 1/2 tarif), ainsi que les billets de famille et les billets pour colonies de vacances et promenades d'enfants.

Dans l’ensemble, la formule de 1939 est plus libérale que celle de 1914 ; à cette époque, en effet, la tarification applicable aux familles et aux colonies de vacances avait été initialement suspendue. Il en est de même en régime international, où l’on a laissé subsister d'une manière générale tous les tarifs autres que ceux intéressant les relations avec l’Allemagne et les territoires placés actuellement sous la domination du Reich.

RÉFÉRENCES